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Il se leva en apercevant le prince de Bénévent. Celui-ci lui tendit la main :

— Je vous rends la liberté, capitaine, je désire rentrer à pied. Sa Majesté m’a fait l’honneur de me dire des choses qui m’ont impressionné au dernier point et je souhaite être seul pour me recueillir.

Vidal salua, lui livra passage et M. de Talleyrand s’éloigna en murmurant à part lui :

— Ce benêt à grand sabre redira sans doute à Napoléon ce que je viens de confier à son entendement. D’Artin expédié, je ferme mon hôtel aux visiteurs, je parais m’être rendu aux raisons du maître… et quoi qu’il arrive, je suis en bonne posture vis-à-vis du vainqueur. Voilà la sagesse… et aussi la liberté… on est toujours libre lorsque l’on jouit de la faveur du souverain.

Sur ce, le prince tira de sa poche une élégante bonbonnière, et y prit une pastille de chocolat à la violette dont, il était très friand.

Sa bonbonnière elle-même était un petit chef-d’œuvre d’astuce diplomatique. Le couvercle était orné d’une miniature représentant Napoléon. Mais ce couvercle était double, et en appuyant sur un ressort, la plaque supérieure se relevait, en démasquant une seconde sur laquelle étaient reproduits les traits de Louis XVIII.

Passé maître en l’art de tromper, M. de Talleyrand ne négligeait aucun détail ; sa boîte à bonbons elle-même pouvait à l’occasion devenir une aide pour le courtisan.

À petits pas, boitant, souriant aux chambellans, aux factionnaires qu’il rencontrait, le diplomate gagna la cour des Tuileries.

Un instant il s’arrêta devant l’arc de triomphe de la place du Carrousel, à l’entablement orné de huit statues de soldats de différentes armes, qui dominaient les six bas-reliefs figurant la capitulation d’Ulm, la victoire d’Austerlitz, l’entrée à Munich, l’entrevue des deux empereurs, la paix de Presbourg et l’entrée à Vienne.

Il considéra en connaisseur le quadrige couronnant l’édifice, quadrige