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pereur qui parlait, c’était le grand prêtre d’un culte terrible et mystérieux :

— Non, tout n’est pas fini, s’écria-t-il d’une voix éclatante… Je suis là, moi, tenu en réserve par la destinée, pour rétablir l’ordre, pour porter le drapeau tricolore, l’insigne de Liberté, à travers l’Europe ; moi, le soldat de la Révolution. J’ai en moi l’orgueil de l’homme destiné à ce dangereux honneur, j’ai l’inspiration qui force la victoire, j’ai l’amour profond de la France… Dans les jours les plus prospères, je n’ai jamais été, je n’ai jamais pensé être autre chose que le général de la Liberté.

Mais avec une colère soudaine :

— Pourtant on m’accuse. Je suis un ambitieux… J’aime la guerre pour la guerre, je me repais de massacres… Ah ! Monsieur de Taillerand, vous qui m’avez suivi de près, vous qui fûtes mon ministre, mon ambassadeur, vous savez bien que cela n’est pas. Vous savez bien que tous, en Europe, poursuivent contre moi, la lutte contre la liberté. Vous savez bien qu’ils ont détaché de moi mes frères, mes sœurs, mes amis. Est-ce moi qui ai voulu la campagne de Russie ? Est-ce moi, qui ai engagé la guerre d’Allemagne ? Non, c’est le Tugendbund, qui s’intitule société libérale, qui caricature la liberté, le Tugendbund auquel les souverains, les ministres, les généraux, tous ceux qui craignent la liberté, sont affiliés. Il faut me renverser, garrotter la nation de France afin que les peuples restent en esclavage… Pour le pays, il ne faut pas que je tombe encore, car je vois dans l’avenir… J’ai semé l’unité française, j’ai semé la liberté… il faut que je sois là jusqu’au moment où la semence germera… Après, ma tâche sera finie, je pourrai disparaître… mais je veux parachever mon ouvrage… sinon les sacrifices sont vains, le sang versé est inutile… un siècle, plus peut-être, s’écoulera avant que la liberté sourie à l’Univers.

Et saisissant le bras du diplomate qu’il serra avec force :