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— Bah ! il en resterait encore assez pour vivre heureux.

Une pâleur envahit le visage de l’Empereur et d’une voix douloureuse :

— Marie-Louise, Marie-Louise, souvenez-vous donc que vous êtes impératrice des Français.

Impressionnée par l’accent profond dont ces paroles avaient été prononcées, la frivole créature demeura muette.

Lui, remit l’enfant à Lisch’.

— Emmenez-le, Lisch’…

Et souriant au roi de Rome qui se débattait :

— Sois sage… Poléon va travailler pour que tu règnes plus tard.

Puis il sortit brusquement, et pensif, il gagna son cabinet, où si souvent il avait préparé ces campagnes éblouissantes qui avaient stupéfié l’Europe.

Sur ses traits, il y avait une fatigue, une tristesse.

— Elle n’est point mauvaise, la folle Marie-Louise, mais quelle tête légère, quel raisonnement d’enfant.

Ce fut tout. Il demeura là, le front penché, songeant peut-être à l’avenir, peut-être à cette femme blonde qu’il venait de quitter et qui jamais ne comprendrait les hauts devoirs incombant à l’épouse d’un Napoléon.

Un grattement léger le tira de ses réflexions.

— C’est un familier, murmura-t-il.

Ainsi s’annonçait en effet l’officier, chargé de l’administration du palais.

— Entre, entre, mon vieux camarade, fit l’Empereur à haute voix.

La porte s’entre-bailla seulement. Une tête rude se glissa par l’ouverture :

— Talleyrand est là.

Napoléon secoua sa tête volontaire et lentement :

— Introduis-le.

L’homme disparut, puis la porte se rouvrit et le prince de Bénévent se montra sur le seuil, empressé, souriant :

— Sire, je me rends à votre appel. Telle fut ma hâte que j’ai conservé mon costume d’intérieur. Vous pardonnerez, j’espère, cette faute de tenue en faveur de l’intention.

— Les fautes de tenue sont moins graves que d’autres auxquelles j’ai été clément. Prenez place, là en face de moi, et écoutez attentivement.

Le diplomate obéit et s’installa dans un fauteuil à deux pas de son souverain.

— M. de Taillerand, — ainsi prononçait l’Empereur, par