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Nul n’eût reconnu dans le courtisan, l’homme que l’appel de Napoléon venait de surprendre en pleine conspiration.

Devant la grille, une voiture stationnait. Les deux hommes y prirent place, et le véhicule, enlevé par deux chevaux impatients, se mit à rouler à une vive allure.

Ni l’un ni l’autre n’avaient pris garde à un gamin tapi sous la porte d’une maison voisine. Le capitaine l’eût certainement reconnu, car ce jeune garçon n’était autre qu’Espérat Milhuitcent.

De retour de la Malmaison avec Bobèche, l’enfant, mû par un secret instinct avait laissé son compagnon s’occuper de ses affaires, et se faisant indiquer l’hôtel de Talleyrand, il était venu se poster dans la rue Saint-Florentin.

Quel était son but ? Il n’eût su l’expliquer. Il obéissait à un sentiment obscur, averti par cette double vue des dévoués, que là s’élaborait le danger inconnu qui menaçait l’Empereur.

Une heure durant, la demeure du prince de Bénévent était restée close, muette.

Transi par le froid, Espérat commençait à s’engourdir, quand une voiture, arrivant de la place de la Concorde, avait fait halte devant l’hôtel.

Milhuitcent l’avait reconnue. C’était celle qui, le matin même avait amené Napoléon à la retraite de l’impératrice Joséphine.

Un homme en était descendu, et l’enfant avait eu peine à retenir un cri… Cet homme c’était Marc Vidal.

Dans un éblouissement sonnèrent aux oreilles d’Espérat les paroles prononcées la veille par le capitaine :

— On ne pénètre pas comme cela auprès de l’Empereur.

Et le personnage, qui avait dit cela, descendait d’une voiture de Napoléon, il pénétrait chez M. de Talleyrand.

Le petit se prit la tête à deux mains. Un soupçon passa dans son cerveau :

— Est-ce que l’officier était un traître… ? Et s’il ne l’était pas, pourquoi n’avoir pas facilité l’accès des Tuileries, dont il paraissait un familier, au pauvre gamin accouru de Stainville pour crier à l’Empereur : Gardez-vous, l’ennemi marche en avant, les royalistes sèment la guerre civile… Pourquoi ? Oui, pourquoi ?

Les minutes s’écoulent en interrogations fiévreuses :

— Si Bobèche n’avait eu l’idée d’entraîner son jeune ami à la Malmaison, si Joséphine n’avait daigné les recevoir, Lui, Napoléon… ignorerait encore le péril.