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Lentement le duc se leva, vint se planter devant son interlocuteur, et les yeux dans les yeux, avec une âpreté soudaine :

— Enrik Bilmsen est amoureux.

— Vraiment ?

— Ce roturier a levé les yeux vers une noble demoiselle.

— Que m’importe cela ?

— Celle qu’il veut pour femme… qu’il veut, vous entendez… est Mlle Lucile de Rochegaule.

D’Artin se dressa tout d’une pièce et d’un accent irrité :

— Ma sœur… à ce manieur d’argent de Francfort…

— Louis XVIII l’anoblira.

— Est-ce qu’on anoblit ces gens-là… Le badigeonnage nobiliaire ridiculise ces rustres sans les élever.

— Le roi répandra ses bienfaits sur la famille de Rochegaule qui aura tout sacrifié pour son service. Il est des mésalliances dont on peut s’enorgueillir.

— Ah ! fit d’Artin dont la colère tomba soudain… le roi approuve… ?

— Oui.

Il y eut un silence, le vicomte semblait réfléchir :

Brusquement il secoua la tête :

— Cela n’est pas possible.

— Vous refusez, vous… ?

— Ma volonté ne peut rien contre celle de ma sœur.

— Comment ?

— C’est une vraie Rochegaule, elle. Tout d’une pièce. Elle a donné son cœur et rien ne la décidera à le reprendre.

Le duc hocha le chef d’un air satisfait.

— Vous la connaissez bien. C’est là exactement ce qu’elle a répondu.

— Vous l’avez consultée ?

— Un ami s’est chargé de ce soin.

— Quel ami ?

— M. de Vitrolles.

D’un mouvement violent d’Artin se tourna vers le baron.

— Vous… quand… ?

Mais étendant les mains :

— Je comprends… cette course mystérieuse pendant laquelle vous m’avez laissé seul à Saint-Dizier. Vous avez vu Lucile… ?

Mlle de Rochegaule, rectifia de Vitrolles, m’a fait l’honneur de m’entendre. Elle m’a répondu en propres termes : « Le roi a pour soldats, les