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— Mais alors, rien de plus simple… il fait partie du Tugendbund ?

— Depuis trois ans.

— Eh bien que le Tugendbund ordonne.

— Il a ordonné.

— Et… ?

— Enrik Bilmsen a refusé d’obéir.

D’Artin et de Vitrolles laissèrent échapper une exclamation indignée. Le prince de Bénévent seul ne sourcilla pas. Probablement il savait déjà ces choses.

— Mais ce Bilmsen, que le ciel confonde, gronda le Dauphinois, est un misérable.

— Un faquin, continua d’Artin.

— Qu’il faut contraindre.

— Absolument.

Talleyrand se frotta doucement les mains l’une contre l’autre. On eût dit qu’il était ravi de la tournure de l’entretien. Il adressa un regard expressif au duc de Dalberg, et ce dernier, comme se conformant à un commandement, reprit :

— Enrik Bilmsen est en effet un homme surprenant. Il raisonne son insubordination.

D’Artin haussa les épaules :

— Raisonner cela !

— Parfaitement, vicomte. À telle enseigne que je suis ici tout simplement pour vous faire connaître les arguments de cet aimable garçon.

— À moi… balbutia le jeune gentilhomme au comble de la stupéfaction ?

— À vous-même, à vous, fils aîné de M. le comte de Rochegaule, présentement en résidence en son castel, sis près de Saint-Dizier, où il ratiocine sur les malheurs du temps avec mademoiselle votre sœur, Mlle Lucile de Rochegaule.

— À moi, répéta le vicomte en se passant la main sur le front, à moi… pourquoi à moi ?

— Parce qu’il dépend de vous qu’Enrik Bilmsen agisse.

— Vous plaisantez, je pense.

— Point, et vous l’allez bien voir.

Il y avait une nuance d’émotion dans la voix du duc, le vicomte en fut frappé.

— Vous semblez me plaindre, Dalberg, qu’attendez-vous donc de moi ?