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Le concierge fit mine d’arrêter l’équipage, à l’entrée de l’avenue bordée d’arbres à l’extrémité de laquelle apparaissait la maison, mais Bobèche se pencha et d’une voix terrible lança :

— Service de l’Empereur !

Le gardien s’effaça respectueusement, le cocher se redressa sur son siège et la voiture passa.

À droite et à gauche filaient des massifs de rosiers, frileusement couvert de manchons de paille.

Joséphine adorait les roses, et le souvenir de tendresse d’une femme pour une fleur est perpétué par l’espèce qui répond au nom rêveur de Souvenir de la Malmaison.

La voiture s’arrêta devant la tente-marquise, étendue au-dessus du perron accédant au vestibule central de ce palais coquet, aux murs d’un blanc d’ivoire, aux toitures d’ardoises violacées.

Le cœur d’Espérat battait bien fort à la pensée que là, derrière ces murailles, ces fenêtres, était celle qui avait été la compagne, qui était demeurée l’amie de l’empereur.

Pris d’une sorte d’extase, tel un croyant au seuil du temple, il oubliait le but de son voyage, et restait sur la banquette, les jambes molles, le cerveau brouillé.

Bobèche le tira de cette stupeur :

— Arrive, dit-il.

L’enfant obéit, mit pied à terre et d’un pas chancelant gravit les degrés du perron.

En haut des marches, un laquais attendait.

Tranquillement le pitre tira un carnet de sa poche, traça au crayon sur une feuille blanche ces mots :

« Le comédien Bobèche supplie Sa Majesté de le recevoir. Il s’agit de chose qu’elle seule peut faire entendre à l’Empereur. »