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— Soit ! vous… tu es Bobèche. Qu’est-ce que cela veut dire ?

La question parut suffoquer Antoine fils :

— Quoi ? À Saint-Dizier, vous ignorez… commença-t-il.

Mais se ravisant aussitôt :

— C’est la gloire cela… tout commerçant est un César dans sa boutique ; passé le seuil de sa porte, il devient un simple contribuable. C’est la gloire.

Et avec un sourire d’artiste saluant le public :

— Tu sauras donc que Bobèche est acteur-improvisateur, ainsi que son compère Galimafré, présentement en représentation chez Dromale, au Théâtre des Pygmées, sis boulevard du Temple, ce qui vaut à tous deux les faveurs du peuple et les foudres du Gouvernement.

— Quoi, seriez-vous… pardon… Serais-tu mal avec l’Empereur ?

Il y avait une anxiété dans la voix d’Espérat :

— Avec l’Empereur, non pas, mais avec sa police, qui s’évertue à démontrer que, comme la rose, la pourpre a des épines.

D’un ton narquois, le célèbre pitre ajouta :

— Elle a raison, une puissance qui ne punit pas, abdique ; l’amour paternel a pour signe distinctif le martinet, et le coup de pied aux reins, distribué sur les tréteaux, est la philosophie de l’art de gouverner.

Mais secouant les épaules, Bobèche reprit :

— Laissons cela… causons de toi. Conte-moi ce qui t’amène à Paris… de la sorte nous ne parlerons pas de l’Empereur.

À ces mots, Espérat courba la tête, tel un écolier pris en faute, et d’une voix sourde :

— Si.

Le pitre sursauta :

— Quoi, Napoléon est pour quelque chose dans ton voyage ?

— Oui.

— Tu ne veux pas t’engager… trop jeune.

— Ce n’est pas cela.

— Alors quoi… conspirerais-tu par hasard ?

— Non… mais j’en connais qui conspirent en faveur des étrangers, du roi… et je veux avertir l’Empereur.

Le petit avait relevé le front. Dans ses yeux noirs scintillait une flamme. Bobèche cessa de plaisanter.

— Des conspirateurs, fit-il en baissant la voix.

Le gamin fixait sur lui des regards ardents. Sans doute l’expression du visage de son nouvel ami lui inspira confiance, car il poursuivit :