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Cinq minutes s’étaient à peine écoulées que le diplomate faisait irruption dans la chambre.

Lui aussi était pâle, lui aussi portait sur ses traits les traces de l’insomnie.

— Vous m’avez mandé, Sire ?

— Oui, mon ami… Venez vous asseoir auprès de mon lit.

Caulaincourt obéit.

— Mon ami, je vous demande pardon de vous avoir fait éveiller, mais j’avais à vous adresser certaines recommandations, et le temps vole laissant après lui le regret des minutes inemployées.

La lampe baissée éclairait à peine le visage de l’Empereur. D’une voix faible et altérée celui-ci reprit :

— Écoutez-moi, mon ami.

Ce disant, il glissait la main sous son oreiller, en retirait un portefeuille et une lettre qu’il tendit à son interlocuteur :

— Ce portefeuille, cette lettre sont destinés à ma femme et à mon fils. Je vous prie de les leur remettre. Les deux pauvres êtres auront, l’un et l’autre, grand besoin des conseils de votre prudence et de votre probité, car leur situation va être très difficile. Je vous demande de ne pas les quitter.

Puis désignant son nécessaire de voyage, ouvert sur une chaise :

— Ceci devra être donné à Eugène. Vous direz à Joséphine que j’ai pensé à elle.

Avec effort, il tira une bague de son doigt.

— Pour vous, Caulaincourt, prenez ce camée, vous le garderez en mémoire de moi. Vous êtes un honnête homme, toujours vous m’avez fait entendre la vérité… Embrassons-nous.

À ces mots, le diplomate éclata en sanglots. Il saisit les mains de Napoléon, y appuya ses lèvres, et prenant le verre placé sur la table du chevet, ce verre que le breuvage absorbé par le grand capitaine avait enduit de traces brunâtres :

— Sire, Sire, bégaya-t-il… vous avez donc voulu mourir… le poison du docteur Yven.

— Comment savez-vous ?… s’écria Napoléon surpris.

— J’avais deviné… Sire.

L’Empereur s’apaisa aussitôt :

— Eh bien oui ! C’est vrai !… Il le fallait, mon ami. La France ne comprendrait pas que je survive à son honneur.

D’un accent caressant il poursuivit :