Page:Ivoi - La Mort de l’Aigle.djvu/391

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


CHAPITRE XXII

L’Aigle est blessée à mort, elle est morte !
— non, Sire. L’Aigle est immortelle !


La nuit était venue.

Seul dans sa chambre à coucher, Napoléon rêvait. Par les fenêtres, dont les rideaux étaient relevés, la lune projetait ses doux rayons dans la salle.

Tout bruit s’était éteint dans la ville. La garde dormait.

Il y avait dans l’air comme un apaisement, dans le silence comme un repos.

— C’est ici que la fatalité a marqué la fin de ma carrière.

De sa poitrine il tira un sachet de soie verte brodée d’argent.

— Yven était un brave homme. Il comprenait l’intérêt qu’il y avait pour moi à ne pas vivre prisonnier des Russes. Il a donc préparé ce poison avec soin… Je tiens là, la mort, le repos.

Et avec un sourire :

— Je puis partir sans regret… J’ai accompli la mission que m’avait attribuée le destin. Le sort de ceux que j’aimais est assuré, je suis libre… mon suicide sera celui d’un soldat, non d’un déserteur.

Il s’était mis à marcher lentement à travers la pièce.

— Comme plus tard, après la période des calomnies intéressées, j’aurai une page sublime dans l’histoire. Alexandre, César, Charlemagne, grandes figures qui éclairent, le passé, vous serez effacés par le rayonnement de mon nom. Ainsi en avaient décidé les puissances mystérieuses qui dirigent les événements.

Il s’adossa à la porte, les yeux grands ouverts, regardant dans le vide.

Et à cette heure sans doute, sa vie se déroula devant lui.

Il se revoyait, pauvre sous-lieutenant d’artillerie, habitant, avec son