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son œil d’aigle contemplait peut-être dans l’avenir des heures glorieuses.

Prenant le bras du maréchal, il allait sortir, quand il se sentit tirer par la manche.

Il se détourna vivement. Espérat était devant lui.

— Tu veux m’accompagner, demanda-t-il ?

— Non, Sire.

Les traits de Napoléon exprimèrent la surprise.

— Non, dis-tu. Est-ce que tu songerais à me quitter ?

— Pour peu de temps, Sire.

— Où veux-tu donc aller ?

— À Paris, avec M. de Caulaincourt, si vous m’y autorisez.

De même que lors de sa première rencontre avec le jeune garçon, l’Empereur passa la main sur les cheveux d’Espérat, et souriant :

— Caulaincourt !

— Sire ?

— Vous avez entendu la requête de notre jeune brave ?

— Oui, Sire.

— Voulez-vous de lui ?

— Certes.

— Eh bien donc, c’est convenu.

Et avec un signe de tête amical, Napoléon sortit, suivi de tous les assistants.

Vingt minutes plus tard, sa voiture l’emportait vers Fontainebleau. Les troupes s’éloignaient, allant s’établir le long de la rivière d’Essonne.

Le maître de poste avait refermé sa maison où ne brillait plus aucune lumière.

Tout dormait maintenant dans ce lieu où l’Empereur avait décidé l’ultime combat contre l’invasion.

Alors la porte d’une chaumière voisine du relai, de cette chaumière où, dans l’après-midi, le vicomte d’Artin avait amené sa sœur, où Enrik Bilmsen avait pénétré bien avant dans la nuit… la porte s’ouvrit et livra passage à un fantôme blanc.

L’être s’avança au milieu de la route, et sous un rayon de lune, montra le visage pâle de Lucile.

La jeune femme riait d’un rire continu, strident, dont tressautaient ses épaules, dont tout son corps semblait secoué.

Ses cheveux dénoués flottaient autour d’elle, lui donnant un aspect étrange, et ses yeux hagards regardaient de façon troublante.