Page:Ivoi - La Mort de l’Aigle.djvu/358

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il se fit un silence. Enfin le partisan eut un geste insouciant, et, narquois :

— Alors les alliés ne vous ont pas obligés à faire quelques détours ?

— Les alliés, répéta Milhuitcent avec surprise, mais nous n’avons rencontré aucune troupe ennemie.

— Aucune…, ah çà, tu te moques de moi.

— Aucune, je vous l’affirme.

— Tu mens.

Le visage du jeune garçon s’empourpra :

— Je ne mens jamais. Les lâches seuls craignent la vérité.

— Pourtant tu prétends n’avoir aperçu aucun parti allié.

— Je l’affirme encore. Mes compagnons vous diront la même chose.

— Et moi, gronda le partisan, je te dis que cela est impossible. Les armées de Blücher et de Schwarzenberg sont à la poursuite des troupes françaises. Elles doivent forcer de vitesse pour rejoindre l’Empereur qui marche vers l’est. Il est inadmissible que le pays ne soit pas couvert de patrouilles, de fourrageurs, d’éclaireurs de toute espèce.

Espérat écoutait stupéfait. Comment, ces gens se figuraient l’ennemi tout proche, alors que les armées de la Sainte-Alliance s’avançaient sur Paris, tournant le dos aux régiments conduits par Napoléon !

— Qui vous a dit ces choses, demanda-t-il ?

— Quelqu’un de bien renseigné.

— Mais qui ?

— L’Empereur lui-même. Et d’un ton menaçant :

— N’espère donc pas nous tromper. Nous opérions dans l’Argonne. La situation devenue intenable, nous nous sommes repliés, à travers bois, vers Saint-Dizier. L’arrivée de l’Empereur nous remplit de joie. Nous lui offrîmes nos services, et, il consentit à nous confier le service périlleux d’arrière-garde.

— Eh bien, s’écria le jeune garçon avec une tristesse profonde, il vous a confié une sinécure. L’ennemi est bien loin vers l’ouest… Il ne pourchasse pas vos bataillons… ; il se rapproche de Paris. Peut-être l’a-t-il atteint à cette heure !

Ces paroles produisirent un effet foudroyant. Les partisans s’entre-regardaient, effarés, stupides.

Tous avaient compris la gravité des nouvelles dévoilées par Milhuitcent.

Celui-ci reprit suppliant :