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CHAPITRE XVII

Vers l’époux


Lucile, tenant d’Artin sous la menace d’un pistolet, avait fait fuir Espérat, Henry et Bobèche, par la cheminée qui naguère s’était ouverte devant elle. Puis elle avait rendu la liberté au vicomte furieux.

Deux journées de deuil, de lugubres pensées, de douleur sans nom, et Lucile se retrouva seule dans la chambre mortuaire.

La dépouille du comte avait été conduite au cimetière de Châtillon…, conduite par la jeune femme désolée et par l’artisan de tous ses malheurs, le vicomte d’Artin.

Celui-ci avait constaté, non sans étonnement, que sa sœur ne pleurait plus. Froide, hautaine, les yeux brillant étrangement, semblant éclairer son visage pâle, Lucile avait assisté à la funèbre promenade sans qu’une larme humectât ses paupières.

Sur la tombe, elle avait répandu l’eau bénite, murmuré les dernières prières, puis elle était rentrée à l’hôtel des Cloutiers, toujours insensible en apparence.

Maintenant elle était dans la grande chambre morne où elle avait souffert, où son père avait expiré.

À quelle étrange besogne se livrait-elle ?

Accroupie devant la cheminée, ses mains mignonnes crispées autour de la poignée d’un couteau de chasse, elle aiguisait la lame brillante, en la frottant d’un mouvement régulier, presque mécanique, sur les pierres du foyer.

Et un sourire singulier errait sur ses lèvres, et ses regards flamboyaient. En elle était quelque chose de trouble, de hagard, de terrifiant et de pitoyable.

On frappa à la porte.

Très vite, elle cacha l’arme sous sa robe, puis elle courut vers l’entrée, tira le verrou et ouvrit.