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— Tu mens.

— La pauvre femme, en luttant contre vous, avait arraché un bouton de votre habit…, un de ces boutons guillochés, reconnaissables entre tous. Et moi, orphelin de par votre volonté, j’ai retrouvé cette pièce accusatrice dans la main glacée de ma mère.

D’Artin courba la tête.

Grandi par la situation, avec le calme d’un juge, Henry parlait toujours :

— Des preuves, demandez-vous ? mais votre conduite est la plus accablante des preuves. Au surplus, nous avons mieux… un témoin…

— Un témoin ?

Ce fut un hurlement qui s’échappa des lèvres d’Artin :

— Un témoin… Le palefrenier qui renseigna ma mère le lendemain de l’enlèvement d’Henry de Mirel… Il vous avait vu, vous avait suivi… Il s’était caché près de l’endroit où votre cheval était entravé. Il assista à votre départ avec l’enfant… Il vit… Je connais sa retraite…

D’Artin l’interrompit brusquement. Acculé, pris au piège, une dernière ruse venait de se présenter à son esprit :

— Oui… ; mais il n’a pu dire ce qu’est devenu l’enfant… Je vous le dirai moi,… il est mort.

— Mort, gémirent Lucile et Henry, frappés en plein cœur par le mot cruel.

— Mort ! fit Milhuitcent en écho plaintif.

— Oui… je l’ai tué… Voilà qui détruit toute votre combinaison.

Il triomphait, mais Bobèche secoua la tête :

— Vous avez tort de parler ainsi, monsieur le vicomte, l’enfant n’est pas mort.

— Comment faquin…

— Ne donnez pas votre nom aux autres, persifla le pitre avec une révérence de théâtre, il ne fait point envie… Mais je reprends… l’enfant n’est pas mort ;…car s’il l’était, vous n’auriez pas cherché à l’envoyer ad patres une seconde fois.

— Une seconde fois, grommela le vicomte, blêmissant de rage ?

— Parfaitement.

— Où prenez-vous cela ?

— Dans cette bonne ville de Châtillon, monsieur le vicomte. Dans cette bonne ville où, devant les commissaires de la coalition, vous nous avez obligés à représenter… la situation politique… le duel à coups de bottes, vous saviez bien… ; les coups de bottes, vous devez connaître ça.