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laissé le temps. Je vous ai meurtri le pied, vous avez froissé mon oreille, nous sommes quittes.

— Tel n’est point mon avis, gronda Milhuitcent que le sourire de son interlocuteur avait cinglé ainsi qu’un coup de fouet.

— Oh ! oh ! railla le capitaine, nous avons un avis… voilà un enfant qui avance…

— Et voilà un officier qui recule, ricana le gamin le visage en feu.

L’interpellé tressaillit. Il regarda plus attentivement Espérat et doucement :

— Tu as du nerf, petit, et ma parole, à tout autre moment, je croiserais le fer avec toi… en témoignage d’estime particulière… mais aujourd’hui…

— Aujourd’hui ?

— Le sang français est trop précieux pour être gaspillé ; il doit couler seulement pour la France, pour l’Empereur.

L’Empereur. Ce mot passa comme un sillon lumineux dans l’esprit d’Espérat. L’Empereur ! C’était pour le voir, pour lui apprendre les menées du parti royaliste, qu’il avait consenti à quitter M. Tercelin et le brave curé de Stainville ! Cet officier pourrait l’aider peut-être.

Et subitement radouci :

— L’Empereur est à Paris ?

— Oui, murmura le capitaine, un peu surpris du changement de ton de l’entretien, aux Tuileries…

— Pourrais-je le voir ?

Du coup, l’interlocuteur d’Espérat passa de la surprise à l’ahurissement.

— Le voir, lui ?… Ah ! çà, vous vous figurez que l’on entre aux Tuileries comme dans un moulin ?

Autour des causeurs, les badauds écoutaient, amusés par la prétention de ce jeune garçon, qui parlait de rendre visite à Napoléon, avec la même tranquillité que s’il se fût agi d’un modeste citoyen.

Le gamin s’en aperçut, et attirant l’officier à quelques pas :

— Il faut que je le voie, car il y a des traîtres dans son entourage.

Graves étaient les paroles ; grave le visage de l’enfant.

Le capitaine en fut frappé.

— Vous les connaissez, fit-il comme malgré lui ?

— J’en connais au moins deux.

Et avec expansion :

— Vous servez l’empereur, vous… ; vous devez haïr les conspirateurs…