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CHAPITRE III

Espérat entre dans Paris


Clic, clac, la lourde diligence qui arrive de Saint-Dizier, par Troyes, pénètre bruyamment dans Paris.

Le fouet claque, le postillon siffle, les chevaux font sonner leurs fers sur le pavé, et le lourd véhicule roule pesamment, en couvrant d’éclaboussures les piétons qui ne se garent pas assez vite.

Depuis deux jours, Espérat et Emmie sont cahotés, secoués dans la voiture. La tristesse de la séparation prochaine a fait place à un ahurissement fatigué. Leurs compagnons de voyage ; eux sous-officiers, un notaire grassouillet, une bourgeoise de Troyes, bavarde et prétentieuse, ne les inquiètent pas. Ils regardent les hautes maisons grises entre lesquelles la diligence se meut. Ils ont l’impression de marcher au fond d’un puits sombre.

C’est cela Paris, ce Paris qu’en province on considère comme un foyer de lumière.

C’est grand, certes, mais triste aussi, et sombre ; les murailles percées de fenêtres ont quelque chose de perfide. Chaque croisée semble un œil qui épie.

Et Emmie se presse contre son ami, et lui se sent mal à l’aise. Il lui apparaît que dans la ville géante, il est plus petit, plus faible qu’à Stainville.

Cependant, il a revêtu pour le trajet sa veste de drap, sa culotte neuve, son chapeau des dimanches. La petite Anglaise, dont la garde-robe n’a cessé d’être l’objet des préoccupations de M. Shaw, est mise avec une recherche inconnue à Saint-Dizier. Elle porte le casque antique avec bouquet de plumes, le pardessus de soie ouatée, la jupe à deux volants s’arrêtant à la cheville.

Les jeunes voyageurs ont tout à fait bon air… mais Paris les impressionne.