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Les passagers du bateau seraient infailliblement atteints, si cette situation se prolongeait.

Soudain Espérat eut un cri :

— Un îlot !

En effet, une étroite bande de terre, couverte d’arbres, se montrait à peu de distance, partageant l’Aisne en deux bras.

La situation allait se compliquer. Quel que fût le passage choisi par les fugitifs, il serait beaucoup plus étroit que la partie de la rivière où ils se trouvaient à présent. Sur les rives, il se produisait un grouillement d’hommes. Les patrouilles errantes aux environs accouraient au son de la mousqueterie. Une fois engagée dans un des bras, la barque deviendrait une cible facile à atteindre.

Dans cette minute critique, Espérat ne perdit rien de son sang-froid :

— Abordons à la pointe de l’île.

— Aborder, pourquoi ?

— Pour la traverser à pied, en portant le bateau et maintenir ainsi la plus grande distance possible entre nos fusilleurs et nous-mêmes.

— Ah ! murmura Bobèche, avec toi les voyages sont charmants… ; on rencontre à chaque pas une surprise agréable.

Une balle, en trouant le bordage, coupa court à la plaisanterie commencée.

— Voilà qu’ils détériorent notre canot.

Penché à l’avant, Espérat ne sembla pas avoir entendu.

— La gaffe, demanda-t-il.

— La voici, fit le pitre en poussant la longue perche terminée par des crampons de fer.

Le jeune garçon s’en saisit :

— Attention, nous allons toucher. Il s’agit de sauter à terre et lestement.

Un choc léger se produisait à ce moment. La barque, avec un grincement léger, s’engrava dans une petite plage de sable.

— En avant, fit encore Espérat !

Et prêchant d’exemple, il bondit sur le sol ferme, traversa en courant l’espace découvert, large de quelques mètres, et disparut dans le fourré qui couvrait le reste de l’îlot.

Bobèche procéda de même ; pas assez vite cependant pour éviter d’être salué par une grêle de balles, lesquelles par bonheur ne l’atteignirent pas.

À plat ventre sur la terre, à la lisière du taillis, entendant siffler