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Sans hésiter, Bobèche le suivit. Il avait compris. Tous deux allaient tenter de traverser le cours d’eau à la nage. Malgré le danger de l’aventure, le comédien ne fit aucune objection.

Un instant auparavant, il avait consenti le sacrifice de sa vie. Tomber en frappant ses ennemis, ou bien être roulé par les eaux glacées de l’Aisne, qu’importait ?

Et tout à coup, il arrêta son cheval brusquement.

Qu’avait-il donc ?

Il était stupéfait. Son jeune compagnon venait également de retenir sa monture et sautant prestement à terre, il se précipitait parmi les roseaux qui bordaient la rive.

Presque aussitôt sa voix joyeuse expliqua l’incident :

— Vite, Bobèche, abandonnons les chevaux ; … une barque, une barque.

Une barque, c’est-à-dire le moyen d’échapper à la poursuite des dragons, de reprendre le chemin de Soissons.

Ni l’un ni l’autre ne se demanda comment l’embarcation était en cet endroit, quel contrebandier l’avait amarrée en ce point où les conduisait leur bonne fortune.

Les instants étaient trop précieux. Les Prussiens se rapprochaient, dispersés suivant un demi-cercle dont les Français occupaient le centre.

En dix secondes, ceux-ci furent dans le canot. Une longue gaffe y était déposée. Grâce à elle, ils écartèrent la barque du rivage et s’abandonnèrent au fil de l’eau.

Des hurlements de colère s’élevèrent.

Rassemblés sur la berge, les dragons invectivaient les fugitifs qui leur échappaient.

Mais les poursuivants ne se tinrent pas pour battus. Longeant le bord de la rivière, ils commencèrent, à l’aide de leurs pistolets d’arçon, à tirailler sur les navigateurs improvisés.

Ces pistolets étaient des armes assez imparfaites ; de plus la nuit, peu favorable aux exercices de tir, diminuait encore leur précision contestable. Aussi suffit-il à Bobèche de se rapprocher de l’autre berge pour se mettre hors de portée des ennemis.

Il plaisantait à voix basse les projectiles s’enfonçant dans l’eau à plusieurs mètres de l’embarcation, quand, tout à coup, un éclair jaillit d’un fourré situé sur la rive droite de l’Aisne, accompagne d’une détonation stridente.

Des acclamations retentirent parmi les poursuivants. Le bruit de leur