— Vous êtes gai, monsieur le Maréchal, mais l’heure n’est point favorable à la plaisanterie.
— Vraiment ?
— Je dois rendre compte à Sa Majesté d’une mission dont j’étais chargé.
— Ah bah ! Quelle mission ?
— C’est le secret de l’Empereur, monsieur le Maréchal.
Macdonald fronça les sourcils.
— Mais, continua Espérat, comme vous êtes un brave soldat, dévoué à lui, je puis vous dire que j’ai réussi.
— Et sans doute, fit ironiquement l’interlocuteur du gamin, l’Empereur attend avec impatience ton arrivée ?
— Je le crois, car il m’a dit lors de mon départ : Réussis, petit… le succès équivaudrait à une grande victoire.
À ces mots, prononcés d’un ton ferme, le maréchal cessa de rire. Il se leva brusquement, vint à Espérat, le considéra un moment eu silence, puis pensif :
— Il a dit cela ?
— Oui.
— Et il est important que tu le joignes au plus tôt ?
— Oui.
Macdonald allait parler, mais, à ce moment, des acclamations retentirent au dehors :
— Vive l’Empereur ! clamaient des voix nombreuses.
— Hein, murmura le jeune garçon…, l’Empereur ?… On m’avait affirmé qu’il était parti…
Excusez-moi, monsieur le Maréchal,… je cours…
La main de son auditeur s’appuya sur son épaule :
— Inutile… il est loin de Troyes à cette heure.
— Pourtant ces cris…
— Comédie réglée par lui-même, afin que les acclamations parviennent aux avant-postes alliés, et que nos ennemis le croient toujours dans la ville.
Le visage de Milhuitcent s’éclaira :
— Une bonne farce, alors !
— Justement.
— Et lui, lui… ?
Avant de répondre, Macdonald marcha vers la porte, l’ouvrit, s’assura que la pièce voisine était vide, puis se rapprochant d’Espérat.
— Il a quitté Troyes hier, chuchota-t-il à l’oreille du gamin.