Page:Ivoi - La Mort de l’Aigle.djvu/27

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Non.

— Non ?…

Le gamin avait eu un haut-le-corps. Très vite, comme pour arrêter toute protestation, M. Tercelin expliqua :

— Toi, tu te rendras au quai Malaquais, chez le fils d’un de mes vieux amis d’autrefois, qui t’offrira l’hospitalité.

— À quoi bon… Je préfère vous rejoindre.

Espérat avait relevé la tête. Il regardait son père adoptif bien en face. Celui-ci détourna son regard.

— Alors vous m’exilez, commença l’enfant…, vous me chassez, père ?

Mais l’abbé Vaneur intervint :

— Tu ne peux pas revenir ici, mon enfant.

— Et pourquoi donc, Monsieur le Curé ? gronda Milhuitcent, prêt à se révolter contre celui qui prononçait ces paroles incompréhensibles.

— Je vais te le dire.

— Ah ! curé, curé…, supplia M. Tercelin d’un ton de reproche :

Mais l’ecclésiastique ne tint aucun compte de l’interruption.

— Ah ! curé, curé, répéta-t-il avec ironie. Il ne faut pas de cachoteries ; il ne faut pas que l’enfant croie qu’il a démérité. Espérat est un homme par l’esprit ; par le cœur, j’espère qu’il est un brave homme… nous y avons fait tous nos efforts…, il doit savoir.

Et avec la brutalité de l’émotion qui craint de manquer de courage :

— Tu ne peux pas rentrer à Stainville parce que tu trouverais vide la maison d’école.

— Vide ?

Le père et le fils redirent ce mot avec des intonations différentes : stupeur chez l’enfant, tristesse chez Tercelin.

— Vide, fit encore Espérat…, où serez-vous donc ? où, cela ? Où…, j’irai vous retrouver…

— Impossible, balbutia l’interpellé.

M. Vaneur intervint de nouveau :

— Oui, impossible… Tercelin ignore où il sera…, — et après une pause, — où nous serons.

Milhuitcent se prit la tête à deux mains. Que signifiaient ces phrases mystérieuses ?

La réponse ne se fit pas attendre. L’abbé continua.

— Écoute, petit. Tu aimes l’empereur, n’est-ce pas ? Tu aimes la France ?

Se redressant soudain, Espérat murmura d’un ton profond :