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moi… Attention… Vos geôliers sont occupés par l’arrivée d’un officier… ; tous ont les yeux fixés sur la place du Saint-Voile… C’est le moment… En avant !

Brusquement, le jeune garçon fait tourner le battant, qui cède cette fois. Un cri d’appel retentit… C’est un soldat qui a vu le mouvement. Mais Espérat pousse ses compagnons, se coule par l’ouverture, et au moment de disparaître, lance aux Autrichiens, à d’Artin, qui accourent, un formidable :

— Vive l’Empereur !

La clef est dans la serrure, il ferme, puis bondissant, tel un chevreuil, il rejoint ses compagnons détalant à travers le verger.

L’enclos est traversé… la sortie sur la ruelle est là… Bobèche est déjà dehors.

Soudain il se rejette en arrière :

— Cernés !… une patrouille de kaiserliks…

Cernés !… La rue est occupée, et là-bas, en arrière, des coups de crosse ébranlent la porte qui a livré passage aux fugitifs.

Espérat a un cri de rage… Des tiges de fer, réunies par des fils métalliques, marquent des espaliers, le long des allées. L’enfant arrache de terre, une des barres, brise ses attaches et, lionceau déchaîné, il gronde :

— Faites comme moi… Mourons en frappant.

Ah ! si Napoléon était là, il frémirait d’orgueil. Comme ce gamin dont lui, l’Empereur, a fait son ami, est bien tel qu’il l’a jugé. Comme ce tout jeune, à peine entré dans la vie, est disposé à en sortir gaillardement.

Tous ont compris.

Ils imitent Espérat.

Seul l’abbé Vaneur parle et c’est pour murmurer d’un ton d’ardente prière :

— Que le Tout-Puissant reçoive les opprimés en sa miséricorde.

Tout à coup, un grincement léger se fait entendre, tous frémissent…

Une porte ménagée dans le mur séparatif du verger et de la maison voisine vient de s’ouvrir.

De nouveaux ennemis vont se présenter.

Non…, c’est un jeune homme, mince, élégant et doux. Espérat le reconnaît…, c’est celui qu’il a rencontré sur la route de Saint-Dizier.

— M. de Lamartine, s’écrie-t-il.

— Chut ! répond le gentilhomme,… pas d’explications… Vite…, par ici…

Il entraîne les fugitifs dans le jardin de sa demeure, referme… À Milhuitcent qui veut interroger, comprendre le secours qui lui arrive, il impose silence :