Page:Ivoi - La Mort de l’Aigle.djvu/255

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Durant un engagement avec un convoi prussien, M. Tercelin avait été atteint à la tête par une grosse branche détachée du tronc d’un arbre par le passage d’un projectile.

Il était tombé à terre inanimé.

Alors l’abbé s’était précipité vers lui, appelant son vieil ami, essayant de le rappeler à la conscience des choses.

Et les partisans qui, cette fois, avaient affaire à trop forte partie, s’étaient mis en retraite, pourchassés par l’ennemi. L’abbé Vaneur eût pu fuir comme les autres, mais l’idée d’abandonner son ami, ne lui vint même pas.

Il le chargea sur ses épaules, emportant son fusil, le vieux fusil de Valmy, et tenta de se frayer passage à travers les fourrés.

Hélas ! il avait été aperçu. Des Prussiens se lancèrent à sa poursuite.

Bientôt il fut évident qu’avant quelques minutes, il serait rejoint.

Que se passa-t-il alors dans le cerveau du prêtre.

Quelle immense colère patriotique envahit l’âme du ministre de paix. Nul n’aurait pu le dire.

Mais l’abbé qui, jusqu’à ce moment, avait refusé obstinément de combattre, qui s’était intitulé l’aumônier, le consolateur, l’infirmier, des partisans, l’abbé chargea le fusil de Valmy, échappé à la main défaillante de Tercelin.

Puis froidement il épaula, jetant bas le premier Prussien qui se présenta.

Un second eut le même sort. Mais bientôt toute une section l’entoura. Avec un rugissement, le prêtre fixa la baïonnette au canon de son arme, et se rua sur les assaillants.

Cinq ennemis furent renversés dans cette attaque furieuse, puis le brave abbé succomba sous le nombre.

Un jeune hauptmann (capitaine) était là.

Il ordonna que l’on prît M. Vaneur vivant.

Celui-ci et Tercelin furent ramenés auprès du convoi, jetés dans un chariot. On eût pu les pendre au premier arbre venu — presque tous les partisans subissaient ce sort lorsqu’ils se laissaient prendre. — On préféra les réserver pour la fusillade, ainsi que l’ordonnaient les courriers envoyés dans toutes les directions par l’état-major de la coalition.

Voilà pourquoi les braves gens se trouvaient à la ferme Éclotte. Le vicomte avait assisté la veille à leur arrivée ; aussitôt il avait songé à la rencontre présente, qui amènerait sûrement Espérat à se trahir, le rendrait suspect aux alliés, permettrait à la haine inquiète du gentilhomme de perdre l’enfant.