CHAPITRE VI
Où d’Artin prend sa revanche.
— Ouf ! quelle émotion !
— Mon pauvre Bobèche, cela a été plus fort que moi.
Déjà le pitre enlevait son habit.
— Je le sais bien, répliqua-t-il tout en continuant à dépouiller son costume de comédien ; aussi je ne t’en veux pas ; seulement tu as le pied mauvais.
Et faisant mine de botter un ennemi imaginaire :
— Tiens, voilà pour Champaubert, Montmirail, Montereau… Tu y allais de tout cœur ; le fond de ma culotte doit en avoir des durillons.
— Je regrette…
— Pas tant que moi, sois-en sûr ; … mais débarbouille-toi ; … quitte tes oripeaux et filons d’ici.
Espérat se mit aussitôt à se débarrasser du maquillage grotesque qui, un instant, avait fait de lui un Galimafré.
En dix minutes, les « artistes » eurent repris leur apparence accoutumée. Ils assujettissaient leurs chapeaux, quand la porte s’ouvrit doucement et le pope Ivan parut.
Toute la personne du Russe exprimait la satisfaction ; les jeunes gens en comprirent de suite la raison.
Platzov tenait sur son cœur une énorme bouteille garnie d’osier.
— Pax vobiscum, dit-il onctueusement, vous jouâtes comme des anges, angelicum spectaculum. Le public est transporté d’aise, à ce point que moi, humble, obscur compagnon de deux étoiles, Comes stellarum, il m’a suffi d’exprimer l’opinion qu’il faisait soif, pour que l’on me passât aussitôt cette gourde de nectar du pays, auprès duquel celui des dieux de l’Olympe n’eût été que piquette.
Il s’administra une large rasade, puis, faisant claquer sa langue en connaisseur :