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— Seulement, un impromptu se joue sans répétitions préalables, les rôles ne sont même pas distribués. Vous allez donc assister à notre petite cuisine.

Il se tourna vers Milhuitcent :

— Galimafré, mon ami.

— Patron Bobèche.

— Tu as entendu ce que veulent de toi… ?

— De vous aussi, patron.

— C’est juste, de nous, les honorables badauds rassemblés dans cette salle ?

— Attendez…, fit niaisement son compère en portant ses mains aux organes qu’il nommait. Est-ce que j’ai une oreille ?… Oui, très bien, j’en ai même deux, alors j’ai entendu.

— La situation politique, sais-tu ce que c’est ?

— Parfaitement… c’est comme qui dirait ma situation sur les toits.

— Sur les toits, abruti.

— C’est là qu’on place les girouettes, patron… Or, vous m’avez appris que politique ou girouette…

— M. Galimafré, ceux qui ont trop d’esprit meurent jeunes, vous ne deviendrez jamais grand-père.

— Dommage… j’aurais aimé être aïeul sans être père.

— Allons, allons, trêve de galimatias. La situation politique à cette heure, c’est la suprême lutte de Napoléon contre l’Europe.

Ce disant, Bobèche adressait un sourire à d’Artin ;

— … Ainsi que l’a décidé le plus aimable, mais non le plus aimé de nos spectateurs.

— Pourquoi n’est-il pas aimé… ?

— Je l’ignore, mais son front plissé, ses sourcils froncés indiquent que sa belle ne lui est point bonne.

Tous les regards s’étaient portés sur le vicomte, visiblement irrité des plaisanteries du pitre. Celui-ci profita de cette seconde d’inattention :

— Cela va bien… Es-tu prêt, Espérat ?

— Oui.

— Alors, je distribue les rôles.

Et élevant la voix :

— Napoléon et l’Europe sont en présence.

— Si vous voulez, patron.

— L’Europe ou la Sainte-Alliance, c’est moi.