Elle se rapproche de sa croisée, et susurre d’une voix légère comme un souffle.
— Venez, Mademoiselle, profitons de ce moment.
Une seconde ombre bondit hors de la croisée ouverte.
La première la saisit par la main, murmure :
— Veille, Bobèche, guette mon retour.
Puis les deux nocturnes promeneurs, qui ne sont autres qu’Espérat et Mlle de Rochegaule s’élancent en courant à travers la place.
Lui, n’a point lâché la main de la jeune fille.
Il l’entraîne dans une course éperdue.
Les voici devant l’église du Saint-Voile ; dans l’obscurité plus profonde au pied de ses murailles vieilles de neuf siècles, les fugitifs se glissent, atteignent le presbytère.
— La porte est seulement poussée, remarque le jeune homme… Le curé a tenu parole.
Tous deux entrent.
Ils sont dans le vestibule. Comment se diriger au milieu des ténèbres ?
Un moment ils hésitent.
Mais une voix douce résonne à leurs oreilles :
— Est-ce vous, mes enfants ?
— Monsieur le curé, dit Milhuitcent… Oui, c’est nous.
— Attendez… ne bougez pas, vous vous heurteriez contre le coffre à bois… je viens à vous…
Et tout en se rapprochant :
— Je n’ai pu laisser aucune lumière ; les ennemis de la France le défendent.
Il y a dans ces paroles toute la douleur d’une âme patriote. Les jeunes gens en sont émus, et Lucile, d’un ton assourdi :
— Je vous remercie, Monsieur le curé.
— Non, non, mon enfant, je ne mérite pas de reconnaissance… C’est le devoir de tout Français de venir en aide à ses frères persécutés… Le vieux prêtre regrette de ne pouvoir faire davantage.
Il est parvenu auprès d’elle :
— Donnez-moi votre main… je vous guiderai jusqu’à la chambre que je vous ai fait préparer.
Et avec une nuance de gaieté :
— Singulière présentation. On ne se voit pas. C’est à présent que les adversaires de la religion auraient beau jeu à m’appeler : l’homme noir.
Puis la voix changée :