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— De donner une représentation, s’exclama le gamin ?

— Tu as mis le doigt dessus.

— Ah celle-là est trop drôle !

Et le jeune garçon éclata de rire. Ses interlocuteurs le considérèrent avec ahurissement.

— Il ne nous croit pas, bredouilla le pope qui élevant jusqu’à sa bouche le goulot de la bouteille posée devant lui, en vida le contenu d’un trait… Mon fils, in vino veritas, dans le vin, la vérité… Je suis plein du précieux breuvage… Le digne Bobèche a parlé selon la réalité.

— Mais je n’en doute pas.

— Cependant tu ris… tu n’es pas comédien… on reconnaîtra…

— Pas du tout, car je ne jouerai pas.

— Tu refuseras.

— Non. Cette nuit, M{{}}lle Lucile en sûreté — entre parenthèses, tout est arrangé de ce côté — cette nuit, dis-je, après l’avoir conduite au presbytère, nous quitterons Châtillon, au lieu de revenir ici.

— Sans mot de passe, sans rien… Mais malheureux, tu seras arrêté avant de sortir de la ville.

Cette fois, le jeune garçon baissa la tête d’un air pensif. L’observation était juste, il devait bien le reconnaître.

— Tu vois bien qu’il n’y a pas moyen d’en sortir, reprit Bobèche après un silence.

Mais l’enfant secoua la tête avec énergie :

— Avec cela !

— Que prétends-tu dire ?

— Quoi ! tu ne devines pas ?

— Ma foi, non.

— C’est pourtant clair. Si nous refusons nous sommes pris.

— C’est ce qui me désole.

— Tu baisses, ami Bobèche, puisque pour n’avoir rien à craindre il nous suffit de jouer.

— Mais jouer ?…

— Je jouerai.

— Toi ?

— Parfaitement ! ne dirait-on pas que c’est là une chose impossible. Mais, mon ami, depuis que je joue la comédie, je me dis royaliste je ne salue pas Caulaincourt, je cache ma joie des succès de l’Empereur.

— Parce que tu crois, tu aimes… Mais sur les planches ?

— Les planches !… je ne passerai pas plus au travers que toi.