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Une grande cour pavée précédait le logis, adossé aux bâtiments de l’hôtellerie du Cheval Blanc. Au delà s’étendait un vaste jardin boisé.

Dans la cour, sur le perron abrité d’une marquise de verre, dans les salles du rez-de-chaussée, des soldats veillaient.

Caulaincourt avait eu raison lorsqu’il avait dit que les alliés gardaient Lucile comme un trésor.

M. de Humboldt et son compagnon, salués par tous, gagnèrent l’escalier accédant au premier étage.

Sur le palier, un factionnaire se tenait philosophiquement appuyé sur son fusil, dont la crosse s’enfonçait dans le tapis moelleux.

Il présenta les armes et les visiteurs passèrent.

Une porte fermée leur barra le passage. Ils frappèrent. Presque aussitôt, une soubrette, fille du pays, embauchée pour servir et espionner la prisonnière, ouvrit en riant avec une coquetterie niaise :

— Ah ! c’est M. Enrik Bilmsen ! Bonjour M. Enrik Bilmsen ! Vous faites bien de nous rendre visite, car nous nous ennuyons bien.

Et la servante coula vers le grand garçon blond un regard en coulisse, qui prouvait, qu’elle se fût montrée moins cruelle que sa maîtresse.

Mlle  de Rochegaule est-elle visible, demanda M. de Humboldt coupant court aux agaceries de la soubrette.

— Je vais voir, Monsieur. Mademoiselle est dans sa chambre d’où elle ne bouge guère. C’est un marbre que Mademoiselle. Croiriez-vous qu’en dehors des choses de mon service, elle ne me parle jamais.

— Elle a raison, interrompit brusquement le Prussien. Depuis que vous jabotez, vous auriez pu dix fois nous annoncer.

Interloquée, la fille bredouilla :

— Qui annoncerai-je ?

— M. de Humboldt, délégué de Prusse, et M. Enrik Bilmsen, secrétaire de M. de Metternich.

Cette fois, Catherine Pollin — ainsi se nommait la domestique, — fit une profonde révérence, traversa l’antichambre en courant, disparut par une porte placée en face de celle du palier.

Une salle à manger succédait à cette pièce. Catherine ne s’y arrêta pas et fit irruption dans la chambre à coucher, dernière alvéole du logement mis à la disposition de la captive.

Une grande cheminée occupait un des côtés de ce réduit. Une bûche énorme flambait sur les chenets de fer, et devant la flamme dansante, Lucile, pelotonnée dans un grand fauteuil, rêvait en suivant distraitement des yeux l’envol des étincelles.