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— Qui es-tu ?

L’enfant répliqua sans hésiter :

— Et toi ?

Son interlocuteur fronça le sourcil :

— Eh ! eh ! Voilà un jeune coq qui chante clair.

— Dam ! un coq gaulois… cela ne doit pas le surprendre, toi, qui me parais avoir appris notre langue dans ce pays, où tu te fais détrousseur de grands chemins.

— Tais-toi, ordonna l’inconnu. Tu es devant des officiers appartenant au corps d’armée de M. de Langeron…

— Langeron, un ancien Français, je crois, dit le jeune garçon avec ironie.

— Il l’est toujours.

— Tu te trompes, officier ; quand on commande des régiments russes qui marchent contre la France, on n’est pas Français, mais Cosaque.

L’officier frappa du pied avec impatience.

— Cesse de plaisanter, louveteau ; je pourrais t’en faire repentir. Et d’abord, souviens-toi que le marquis d’Armaillé ne souffre pas qu’un rustre le tutoie.

Milhuitcent s’inclina :

— J’allais vous dire la même chose… en termes plus polis par exemple… il est vrai que je n’ai pas appris une langue étrangère.

L’homme qui avait gardé le silence jusque là, se prit à rire en disant :

— Allons, allons, d’Armaillé, ne te fâche pas. Cela me réjouit de retrouver l’esprit de repartie ; ce n’est pas un moujick qui répliquerait ainsi.

L’interpellé eut un signe de tête, et d’un ton froid ; mais où plus rien ne restait de l’insolent persiflage passé :

— Où alliez-vous quand on vous a pris ?

— À Saint-Dizier.

— Vous y résidez ?

Espérât hésita, puis prenant son parti :

— Non.

— Alors quelle raison vous y amène ?

— Une commission pour M. le vicomte d’Artin.

Les interlocuteurs du gamin tressaillirent à ce nom :

— Pour le vicomte d’Artin, avez-vous dit ?

— Oui, et chaque minute retarde une communication importante.

— Quelle communication ?

— Destinée au vicomte, à lui seul, je n’ai pas à vous en faire part.