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— Veuillez entrer, Monsieur.

Puis, s’effaçant, Larue attendit que le vieillard fût passé, et se retira discrètement.

L’Empereur et le gentilhomme royaliste restèrent seuls en présence.

Un instant, Napoléon considéra le visiteur. Sur le visage du comte, la douleur n’avait pas laissé de traces ; mais son regard s’était fait plus sombre, ses traits s’étaient durcis. On eût dit que l’affliction avait donné une énergie plus grande à cet homme à l’âme de bronze. La tête découverte, debout dans une attitude digne, sans orgueil et sans faiblesse, le vieillard attendait que l’Empereur lui adressât la parole.

— Vous êtes le comte de Rochegaule ? fit enfin ce dernier.

— Je le suis en effet.

— Un royaliste impénitent.

— Je ne suis plus royaliste.

Napoléon ne put maîtriser un geste d’étonnement :

— Plus royaliste… et d’où vient ce changement ?

— De ce que je hais le roi…

— Vous ?

— Le roi qui a déshonoré ma maison.

— Lui ?

— En faisant arrêter, sous mon toit, l’hôte auquel j’avais ouvert ma demeure et qui était en droit de s’y croire en sûreté.

Les poings de Napoléon se crispèrent et les dents serrées :

— Marc Vidal, n’est-ce pas ?

Le vieillard inclina la tête.

— Et vous avez laissé faire, gronda l’Empereur. Vous avez pensé : il me suffira d’aller au quartier général, de conter l’aventure…

— C’est vrai, j’ai pensé cela.

— Vous l’avouez ?

— L’aveu suppose une faute… je n’en ai commis aucune. Je dis simplement ce qui est vrai, avec l’intention d’être utile au général qui, à cette heure, tient en ses mains les destinées de la France.