Page:Ivoi - La Mort de l’Aigle.djvu/138

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


CHAPITRE XV

Pater Dolorosus


Sur le seuil d’une des portes béantes, le vicomte d’Artin parut, botté, éperonné, et derrière lui, dans la pénombre, se montraient Henry de Mirel, Marion Pandin, livides, épouvantés.

— Ah ! ah ! capitaine Vidal, persifla le vicomte, la fortune est changeante. Vous avez tenu à m’éloigner de Paris. À vous de juger si vous avez bien fait.

Mais M. de Rochegaule, que deux russes maintenaient sur son fauteuil, demanda d’un ton sévère :

— Vicomte, est-ce ainsi que l’on entre dans la demeure de son père.

D’Artin ne se troubla point. Il exécuta une révérence gracieuse et froidement :

— Je suis militaire, mon père, et je dois obéir aux ordres qui me sont donnés.

— Aux ordres ?

— Il m’a été enjoint de venir ici, d’y saisir le capitaine Marc Vidal et Mlle  Lucile de Rochegaule…

— Ma fille !

— Lui, espion envoyé par l’usurpateur ; elle, sa complice.

— Espion, rugit Marc.

— Lui, espion ; moi, sa complice, s’écria Lucile éperdue.

Le vieillard leur imposa silence.

— Taisez-vous, enfants.

Et avec un calme effrayant :

— D’Artin, dit-il, vous allez immédiatement relâcher vos prisonniers. Marc Vidal est mon hôte ; sur mon honneur de gentilhomme, il est venu dans ma maison en ami ; il n’est point un espion. Vous ne me ferez pas l’injure de douter de mes paroles ?