— Par les Autrichiens ?… pourquoi ce nom… : Croix des Cosaques.
— Je l’ignore… les paysans ne sont pas des géographes bien remarquables…
— Tu as raison, laissons cela. Tu vas te rendre aux écuries.
— Bien.
— Tu feras seller un cheval.
— Pour quitter Paris ?
— Oui.
— Alors deux chevaux, Sire, je vous en prie, supplia le gamin.
— Pourquoi deux ?
— Parce que j’ai promis à mon ami Bobèche de faire campagne avec lui… Vous ne voudriez pas me faire manquer à ma parole.
L’Empereur pinça gaiement l’oreille de son jeune interlocuteur.
— Tu as raison, va pour Bobèche. Tu feras seller deux chevaux, sans avertir Vidal…
— Je ne l’avertirai pas.
— Tu fileras sur Saint-Dizier. Pour les relais ne t’inquiète de rien, voici un ordre de ma main.
Tout en parlant Napoléon avait tracé quelques mots sur une feuille arrachée à son calepin.
Espérat la prit avec respect :
— J’arrive à Saint-Dizier, Sire… et…
— Tu tâches d’apprendre ce qui s’est passé exactement au château de Rochegaule.
— J’essaierai.
— Et surtout…
— Surtout ?
— Assure-toi que Vidal ne court aucun danger, c’est de la Croix des Cosaques que doit partir le coup.
— Vous craignez, Sire… ?
— Oui, mon ami. Je ne vois pas en quoi l’union de Mlle Lucile pourrait jamais me nuire, mais je vois très bien la satisfaction qu’aurait le vicomte d’Artin à attirer mon brave capitaine dans un guet-apens.
Le jeune garçon tressaillit. La lumière se faisait en son esprit. Oui, l’Empereur avait du premier coup distingué la vérité. C’était à Marc Vidal certainement que l’on en voulait.
— Bon, fit-il les yeux étincelants, avec Bobèche, nous serons à la parade.
— Oh ! oh ! plaisanta Napoléon, tu fais des mots maintenant ?