Page:Ivoi - L’Aéroplane fantôme.djvu/82

Cette page a été validée par deux contributeurs.
76
L’AÉROPLANE-FANTÔME

Et les deux jeunes filles presque inconsciemment, Suzan se haussant sur la pointe des pieds, Édith courbant un peu sa taille svelte, amenèrent leurs visages à la même hauteur, pour échanger un fraternel baiser.

Une émotion profonde pénétrait les personnes présentes.

Tril profita de l’inattention générale pour se faufiler auprès de François, stupéfait de ce qu’il voyait.

Il empoigna la main de l’ingénieur, y glissa un objet que le Français jugea être un sachet, et d’un organe léger comme un souffle :

— Vous lirez une fois seul. Suivez les instructions. Tout vaut mieux que le bagne.

Avant que le prisonnier eût pu répondre, Tril s’était éloigné de lui ; François aurait cru avoir rêvé, s’il n’avait senti entre ses doigts le contact soyeux du sachet.

Adieux, mains serrées, regards humides de tendresse. La porte se referme, une clef tourne dans la serrure. François reste seul en sa cellule. Ses amis sont partis.

À travers les corridors, tous s’éloignent, silencieux, avec le recueillement douloureux des heures de désespoir.

Péterpaul soutient sa sœur, qui étreint le bras de Suzan ; Tril et Joé ferment la marche.

Joé, par une déférence instinctive, déambule un peu en arrière. Il sent du respect pour Tril, cet autre gamin qu’un ambassadeur présente comme lui-même. Un jeune personnage aussi influent pourrait bien tirer Ketty de la misère, lui faire trouver peut-être une place de petite femme de chambre. Et Ketty serait bien logée, elle n’aurait plus froid, elle n’aurait plus faim.

Le souvenir de sa jeune amie lui rend son courage. Il se penche vers le jeune yachtman américain.

— Vous n’oublierez pas Ketty, je vous prie. Ketty, de Chipley Street…

— Numéro 41. Je pense aussi à cela. Je la verrai ce soir ; mais une question m’intéresse. Vous avez pour elle une grande affection ?

— C’est véritablement la seule affection de mon cœur.

All right ! Alors, si je trouvais à vous occuper ensemble, vous la suivriez volontiers ?

Joé étendit gravement la main, comme pour prêter serment.

— Et je ne demanderais pas où l’on va, vous pouvez le croire !

Ce à quoi Tril répondit en riant :

— Tout ira bien, en ce cas. Écoutez, je vais vous dire où il faut aller l’attendre.