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LE VOLEUR DE PENSÉE.

— Miss Édith, sans doute ? All right ! Voici, pour le lord votre père et pour vous, une lettre d’introduction de M. le ministre plénipotentiaire des États-Unis à Londres. Veuillez prendre connaissance.

Il tendait un pli à la jeune fille. Elle le considérait avec stupeur, sans songer à le prendre. Péterpaul avança la main.

— Vous permettez, je suis le frère de miss Édith.

Tril lui remit la lettre, que le robuste Anglais développa aussitôt, et qu’il lut à haute voix :

« Je soussigné, demande, pour master Tril et miss Suzan, porteurs de la présente, confiance égale à celle qui serait accordée à mon propre personnage. »

suivait la signature agrémentée du cachet de l’ambassade.

À ce moment, Joë, qui considérait la scène avec ébahissement, voulut ouvrir la bouche, pour rappeler que l’heure marchait en rond pendant cette conversation ; mais Tril lui glissa une nouvelle pièce d’or dans la main, et le gamin ne se reconnut plus le droit de contrarier un visiteur aussi persuasif.

Au surplus, le petit Américain reprenait :

— À la caution de mon ambassadeur, j’ajouterai que nous sommes des amis, de véritables amis. C’est en cette qualité que je supplie miss Édith d’accorder une place dans la voiture qui la ramènera à Fairtime-Castle, à ma fiancée Suzan.

Il cligna des yeux.

— Elle lui contera des choses tout particulièrement intéressantes, et elle lui persuadera que lorsque les gros nuages noirs jettent la plus vilaine grêle sur la terre, ils sont bien près de s’user et de démasquer le soleil.

Cette dernière phrase fut prononcée d’un ton énigmatique qui impressionna les assistants.

Avant qu’ils eussent dominé le trouble incompréhensible qui les étreignait, Suzan s’était approchée de miss Édith. Elle lui avait pris les mains et, ses yeux noirs rivés sur ceux de la jeune Anglaise, elle disait, d’une voix douce et ferme à la fois :

— Je suis un peu plus jeune que vous ; mais je connais le malheur depuis longtemps. Ah ! je ne suis pas orgueilleuse de cette connaissance, seulement ce temps d’épreuve m’a dotée d’une pensée spéciale sur les choses. Vous verrez que la cadette peut parler en sœur aînée.

Édith écoutait. La voix de son interlocutrice lui semblait appliquer un baume bienfaisant sur son cœur endolori.