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L’AÉROPLANE-FANTÔME

— Je ne comprends pas. On a voulu accumuler les preuves contre moi ; mais qui a voulu cela ? Je n’étais entouré que de collaborateurs, d’amis. Que signifient cette Liesel, ces faux en écriture si parfaits que, si cela était possible, je croirais moi-même avoir tracé les lignes qui m’accusent ?

— Pas à mes yeux, gémit Édith. Je sens que vous êtes innocent.

— Ah ! pauvre, pauvre aimée. Vous serez seule de votre opinion. Les juges me croient coupable et, par ma foi, je ne saurais les en blâmer. Les preuves contre moi sont éclatantes. À leur place, je condamnerais avec la conviction que ma sentence est juste.

— Ne parlez pas ainsi, vous me rendez folle, François.

— Eh ! Je veux que vous voyiez la vérité en face ; vous êtes ma vie, ma pensée, vous êtes tout pour moi, chère bien-aimée Édith, c’est pourquoi je ne saurais vous entraîner à l’abîme. Sous peu de jours, je serai un forçat ; c’est le bagne, l’existence du convict qui m’attendent. Il faut que je sauve du naufrage le meilleur, le plus pur de moi-même, vous, ma chérie. Oh ! oubliez-moi. Être malheureux, alors que l’on est aimé de vous, est presque aussi criminel que d’être coupable. Si, si ! J’ai honte, désespoir, de ne pouvoir faire éclater la vérité, surtout parce que vous pleurez.

On heurta à la lourde porte.

Édith, d’une voix abaissée, incertaine, chuchota :

— C’est l’heure ! Encore un jour qui prend fin.

La porte tournait lentement sur ses gonds. Dans les prisons modernes, les gonds sont soigneusement huilés, et le « grincement sinistre » dont frémissaient nos pères ne se produit plus.

Sur le seuil se montra Joé. Il avait mis à la main son chapeau haut de forme, saluant, en son désir inconscient de respect, à la française, oubliant qu’un véritable fonctionnaire britannique ne doit point, par respectabilité, découvrir son crâne, et, d’un ton implorant, il prononça :

— Quatre heures !

Mais ces deux mots qui signifiaient pour tous : instant de la séparation, début de la longue nuit, où chacun demeurerait seul en face de sa pensée, furent couverts par une voix joyeuse et claire. Celle-ci disait :

— Bonjour, gentleman accusé. Bonjour lady et gentlemen visiteurs. Ce m’est le plaisir le plus grand de vous souhaiter le lendemain rose après l’aujourd’hui couleur de suie.

Qui avait parlé ? Tous regardèrent. Tril, imperturbable, s’avança, tenant Suzan par la main.

Tous deux saluèrent, puis le jeune garçon s’adressant à miss Fairtime.