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L’AÉROPLANE-FANTÔME

Von Karch s’approche de lui, tapote doucement l’épaule du malheureux comptable.

— Bonjour, monsieur Tiral. Enchanté de faire votre connaissance. Ceci vous démontre que vous auriez tort de chercher à vous souvenir de moi. Nous ne nous sommes jamais vus. Je gage cependant que vous ne regretterez pas de m’avoir rencontré quand vous saurez…

Il s’arrête, attire une chaise, s’assoit à côté de son interlocuteur évidemment ahuri par cet exorde, et de sa voix grave, il reprend :

— D’abord, je me présente. Von Karch, ancien industriel, présentement fort riche, et qui a plaisir à employer sa fortune à faire le plus de bien possible.

— Ah ! murmura Tiral avec une surprise non équivoque.

Le gros rire de l’Allemand ponctua l’exclamation.

— Je vous perce à jour, mon cher monsieur Tiral. Vous vous demandez en quoi ma philanthropie peut bien s’exercer sur vous. Ne dites pas non, j’ai lu dans vos yeux. Et cela est parfait que vous vous adressiez pareille question. Car je suis ici uniquement pour y répondre.

— Vraiment ? fait encore le comptable en jetant un coup d’œil inquiet sur sa fille.

Oh ! il a tort de s’inquiéter. Liesel est toujours plongée dans le rêve de la démence.

Mais Von Karch, lui, continue, gaiement, son organe satisfait claironnant les phrases préparées :

— Sous quelques jours, cher M. Tiral, celui qui a si cruellement traité votre fille sera condamné par un bon jury anglais.

Le comptable incline la tête avec un regard féroce. Ah ! il le hait bien, ce François qu’il aimait autrefois.

— À présent, ne nous occupons plus que de la victime, de cette belle enfant qu’il s’agit de guérir, de rendre à la raison, à la connaissance de son père si tristement éprouvé.

— Oui, oui, murmure Tiral. On m’autorisera à l’emmener en France, n’est-ce pas ? À l’Institut Pasteur, j’obtiendrai que l’on fasse des recherches, que l’on découvre le microbe antidote du poison, que…

— Il faut beaucoup d’argent pour ces études, laisse tomber froidement le père de Margarèthe.

— J’aurai beaucoup d’argent.

Tiral a dit cela en posant sa main sur le papier qu’il crayonnait tout à l’heure. Son interlocuteur a remarqué le geste. Un sourire fugitif rida sa face large.