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L’AÉROPLANE-FANTÔME

— Son père est auprès d’elle.

— Pensez-vous que M. Tiral soit mécontent de ma visite ?

— Oh non ! Le pauvre monsieur reste auprès de sa fille aussi longtemps que le permet le règlement de Bethléem. Il la regarde, la prend dans ses bras. Il a eu beaucoup de malheurs, parait-il, et cela a peut-être affaibli ses facultés.

Margarèthe et son père échangèrent un regard ironique, et ce dernier murmura :

— Sur quoi donc basez-vous ce jugement ?

Comme beaucoup de vieilles filles, la surveillante sacrifiait au commérage. Elle parlait à tort et à travers, et le plus longtemps possible, toutes les fois que l’occasion lui en était offerte.

— La pauvre miss Liesel porte un tatouage. Eh bien ! ce signe, le vieux M. Tiral en est obsédé. Il m’a montré les reproductions des feuilles quotidiennes. Il m’a priée de m’assurer qu’elles étaient bien conformes au tatouage réel, et quand je lui ai répondu par l’affirmative, il a paru heureux comme un roi.

— Ah ! ah ! d’où votre conclusion… ?

— Qu’il est affaibli intellectuellement. Il passe son temps à dessiner ce tatouage sur le papier. Vingt fois par jour, embrassant notre malade insensible à ses caresses, il prononce des phrases tout à fait inexplicables.

— Et que dit-il ?

L’Employée leva l’index vers le plafond, dans un geste inspiré, et du ton d’une élève récitant une leçon apprise par cœur :

— Tu auras la fortune, Liesel… Ce fut une inspiration de marquer ainsi le secret du gîte. Nous serons riches, fabuleusement riches, mon enfant bien-aimé. Et je mettrai des millions à la disposition des savants de l’Institut Pasteur. Ils trouveront, ces travailleurs de génie, le microbe bienfaisant qui te guérira. La raison te sera rendue…

— Tout cela est bien curieux en vérité, interrompit Von Karch, d’un ton indifférent. Enfin, vous êtes d’avis que nous pouvons sans indiscrétion… ?

— Oh ! pour ce qui est de notre malade, elle ne s’apercevra même pas de votre présence.

— Quant au malheureux père, acheva l’Allemand d’un ton pénétré, peut-être lui apporté-je une consolation.

Bavarde, certes, mais bonne personne au demeurant, la surveillante se leva aussitôt.

— Veuillez me suivre.