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LE VOLEUR DE PENSÉE.

— Comme tous les coupables, il ne songe pas aux salutaires avertissements de la Sainte-Bible : « L’œil du Souverain Maître ne se ferme jamais. Du roi tout-puissant à l’infime ciron, son regard voit et pèse les actions de toutes tes créatures et sa dextre vengeresse poursuit le coupable. »

— Sur quelles preuves échafaudez-vous vos suppositions ? murmura l’ingénieur. Car enfin, pour affirmer qu’un homme sans reproche a commis un crime odieux et lâche, encore faut-il s’appuyer sur une chose vraisemblable.

La face du policier s’épanouit.

— À la bonne heure. Voilà qui est parler droit. Vous désirez connaître les preuves… Trop heureux de vous servir…

Et ses auditeurs le regardant avec stupeur, il enchaîna avec une joie croissante :

— Miss Liesel est née dans le Sud Amérique, aux Antilles… Je ne sais pas au juste ; mais elle est sujette allemande. Tout naturellement, en venant en Angleterre, elle avait réclamé par dépêche les bons offices de M. Greylig, vice-consul de Germanie à Southampton. Ce fonctionnaire se trouva donc à l’arrivée du vapeur Empress. Il s’étonna de ne pas voir sa compatriote au débarcadère. Il s’informa. Elle figurait au rôle des passagers. On chercha et l’on découvrit la malheureuse dans sa cabine, hébétée, murmurant sans cesse d’une voix monotone :

— François, François, non, l’autre ne sera pas votre femme.

— Elle dit cela ? s’écria l’ingénieur avec stupéfaction.

— Elle le dit et elle le répète interminablement. Mais le temps passe et je dois me hâter. Sur elle, on découvrit des cartes indiquant son adresse à Paris. J’étais de service sur le port. Mandé à fin d’enquête, je télégraphiai sans retard à la Sûreté de Paris. Les détectives français firent diligence, perquisitionnèrent à la Pension Villeneuve et mirent la main sur une lettre de l’accusé.

— De moi ? bégaya François.

Cette dernière affirmation avait frappé son cerveau comme un coup de massue.

— Une lettre de moi, répéta-t-il les dents serrées. Comment vous permettez-vous de parler ainsi ?

— Comment ? D’abord, parce qu’elle est signée, datée du mois dernier, timbrée de la poste de Mourmelon-le-Grand.

— Mais je n’ai jamais écrit à cette personne, je n’avais aucune raison pour lui écrire…