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L’AÉROPLANE-FANTÔME

— Moi ? fit Fairtime en sursautant.

De la main, l’ingénieur l’invita au calme. Lui-même se montrait extraordinairement paisible. Tout ce que narrait Wood était si manifestement contraire à la vérité que le jeune homme, à présent, l’écoutait avec une curiosité exempte d’émotion.

Cependant, Ashley Wood répliquait à lord Fairtime :

— Oui, vous-même. Oh ! bien innocemment. Vous avez rencontré M. de l’Étoile. Vous vous êtes pris de sympathie pour lui. Vous avez voulu semer de sable fin le chemin d’un jeune homme de savoir et de mérite. Quoi de plus louable ? Le malheur voulut que vous eussiez une fille charmante. Je demande pardon de mêler le nom de miss Fairtime à cette affaire. Mais je le dois, car, avec elle, nous entrons dans le drame.

Le narrateur s’arrêta comme pour ménager son effet.

— Tout cela, cher Monsieur, fait le plus grand honneur à votre imagination…

À cette réflexion de François, l’inspecteur tressaillit, se redressa, et d’un ton sec :

— Rira bien qui rira le dernier, comme vous dites en France.

Puis revenant à lord Fairtime, tout en marquant d’un geste dédaigneux que l’inculpé ne lui semblait pas digne de son attention.

— Liesel se révolta à la pensée d’être délaissée par son fiancé. Elle déclara qu’au besoin elle viendrait à vous, pour faire valoir ses droits. Nous voici arrivés au point tragique, honorable lord. Hier soir, M. de l’Étoile s’embarque à Saint-Malo sur le steamer Empress. L’infortunée miss Liesel l’y a précédé. Elle occupe la troisième cabine de tribord. Que se passe-t-il ? Nul ne le sait. Dans ces voyages de nuit, les passagers s’enferment ; l’équipage se tient au poste. À quoi bon demeurer sur le pont quand on n’a rien à faire ? Mais la chose peut être reconstituée aisément.

M. de l’Étoile dans l’ombre se glisse ; il arrive à la troisième cabine de tribord. Il y pénètre sans être vu, sous sa main se trouve le stylet indo-chinois… Le poison ne tue pas. Il réduit à l’impuissance cérébrale. C’est le silence de miss Liesel assuré. Et il pique la victime au cou, près des vertèbres cervicales. Puis il s’enfuit, pensant que personne ne le soupçonnera.

Seulement il oublie l’arme auprès de la victime. S’en aperçoit-il plus tard ? Je ne le sais. Bah ! il songe peut-être qu’il a joué, il y a une quinzaine, la comédie du poignard perdu, à la pension Villeneuve. Qui oserait le soupçonner ?

Et pointant majestueusement l’index vers le plafond, l’inspecteur de police ajouta gravement :