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LE LIT DE DIAMANTS.

— Oui, je ferai ainsi. Je suis pris ; vous pouvez me tuer. Quand une partie est perdue, autant perdre la vie de suite que la traîner misérable. Mais vous, vous resterez avili, condamné à jouer les morts, sous peine d’être jeté sur les bancs de la cour d’assises, au cas où vous vous aviseriez de ressusciter officiellement. Ah ! Ah ! Ah ! je ris. Vous êtes vainqueur, mais votre victoire vous deviendra plus cruelle que ma défaite !

Les yeux de François lancèrent un éclair ; on eût cru que le jeune homme, frappé au cœur par la haine de son adversaire, allait riposter avec colère.

Il n’en fut rien. Par un effort, dont une faible contraction de sa face indiqua seule la puissance, il se contraignit au calme, et lentement il murmura :

— Avant de mourir, Liesel, pauvre jouet entre vos mains, a parlé.

— A-t-elle écrit ?

— Non, vous le devinez bien.

— Alors, que m’importe ce qu’elle a pu dire. Qui l’a entendue ? Vous, l’accusé : votre fiancée ; ses parents si intéressés à prouver votre innocence ! Vos témoignages sont frappés de nullité. Vous aurez beau affirmer que j’ai monté de toutes pièces, de concert avec Liesel, le drame dont la justice anglaise vous a demandé compte. Sans mon aveu, la preuve ne sera pas faite ; vous demeurerez suspect. Mes mesures furent bien prises, et aujourd’hui encore, à l’instant où il vous est loisible de me frapper, je vous laisserai en tombant, plus déchiré, plus malheureux que moi.

Sa voix s’enflait menaçante. Son exaltation criminelle lui donnait une grandeur tragique.

— Oui, oui, il m’est doux de proclamer la vérité devant vous seul, cette vérité que vous ne ferez jamais admettre par personne, moi refusant de la répéter. Ah ! la jolie et suprême vengeance que je n’aurais osé espérer. Comme vous allez souffrir victorieux ! Vous saurez que Liesel elle-même vous avait volé le poignard dont elle fut frappée, qu’un faussaire à ma solde avait écrit la lettre signée de vous. Vous saurez que la digne créature, stylée par moi, simula la folie ; car elle ne fut jamais folle, vous entendez, Herr François de l’Étoile. Vous saurez tout cela, vous le direz, et l’on ne vous croira pas. Pensez-vous que je serai bien vengé ? Vous avez brisé ma vie ; j’empoisonne à jamais la vôtre ; tout est payé !

Un éclat de rire sinistre, dont toute la cabine vibra lugubrement, ponctua sa phrase.

Et couvrant son adversaire d’un regard de suprême dédain :