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L’AÉROPLANE-FANTÔME

— Une seule.

— Qui est ?

— L’aveu écrit, signé par vous, comte de Kremern Von Karch, des mensonges qui ont fait de moi un être avili, déshonoré, contraint à devenir un fantôme acharné à la conquête de la justice.

Il y avait une tristesse profonde dans l’accent de l’ingénieur. Tout ce qu’il avait souffert dans son honneur, dans son affection, vibrait en ses paroles.

La grandeur de la tâche avait chassé la haine. François apparaissait grave et doux, ainsi qu’une incarnation de la justice elle-même.

Les traits de l’espion s’étaient durcis.

En lui, l’orgueil se révoltait à la pensée de s’avouer vaincu.

Et à voir les deux hommes en présence, on eut songé involontairement à quelque duel à mort des temps légendaires, où les esprits du Bien et du Mal échangeaient les estocades chantées par les poètes mystiques.

Enfin, Von Karch grommela d’une voix sourde :

— C’est-à-dire que vous serez réhabilité ; que le bonheur, la gloire, la tendresse vous souriront.

Et son interlocuteur l’écoutant sans un geste.

— Tandis que moi, j’en serai réduit à me cacher, à vivre obscur, traqué peut-être, car mon aveu déchaînera contre moi les limiers d’une police imbécile, toujours impitoyable aux soi-disant criminels, dont le véritable crime est d’être abattus.

Son accent se lit plus âpre.

— Sans compter que partout je me trouverai sous le coup d’une extradition, permettant à mes ennemis de me cueillir, de me traîner devant les tribunaux. Ma vie sera un cauchemar perpétuel sur la vision hallucinante du bagne.

Une ironie insultante flamba dans son regard.

— Avez-vous pensé que j’accepterais ?

Sans doute, le généreux fiancé d’Édith n’avait pas songé que sa clémence pût être accueillie ainsi. Et à son tour il demanda :

— Que voulez-vous donc ?

Ce fut par un éclat de rire rageur que l’espion répondit :

— Ce que je veux ? Eh ! le sais-je ! Ma situation m’apparaît sans issue ; je ne puis faire que je ne sois pas vaincu ; seulement, une dernière satisfaction me restera. Je roule dans l’abîme, vous y roulerez avec moi.

— Quoi, vous… ?