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L’AÉROPLANE-FANTÔME

Le frère de Péterpaul a saisi l’objet descendu des hauteurs du ciel. Et le craquettement s’arrête. Il y a un silence. Une anxiété les a saisis. Qui entreprendra d’abord l’ascension ? Qui se suspendra dans le vide ? Qui éprouvera avant tous la sensation vertigineuse d’être absorbé par le ciel. Margarèthe murmure doucement :

— Ce sera moi !

— Vous ! pourquoi ? riposte vivement Péterpaul.

— Parce que je suis la cause de vos tristesses. Parce que je ne me sentirai digne de votre généreux pardon, que si je puis sans cesse m’interposer entre vous et le danger.

Elle ne continue pas. Un organe, qui semble dominer le groupe, vient de prononcer :

— J’ai décidé ; je gagne le ciel avant tout le monde.

C’est Jim, qui a endossé sans bruit le harnachement des courroies de cuir.

Tous lèvent la tête. Ils devinent confusément, ombre plus noire dans l’ombre, la silhouette du jeune homme s’élevant au-dessus de leurs têtes.

La vision ne dure pas. L’obscurité se referme sur le second fils de lord Fairtime.

Haletants, retenant leur haleine, tous prêtent l’oreille. Ils attendent ; quoi ? Que le battement avertisseur leur dénonce le retour de l’engin d’évasion.

Ce retour leur dira que Jim est en sûreté. Et pour éviter de nouvelles discussions, lord Gédéon murmure :

— Le capitaine doit le dernier quitter le navire qui sombre. Ici, le capitaine c’est moi, chef de famille. Cette jeune femme partira d’abord, vous, Péterpaul ensuite ; enfin, moi.

Brusquement, les trois prisonniers se figent dans une stupeur épouvantée. Des cris, des appels ont retenti.

Un coup de feu explose, striant l’abîme d’un jet de flamme qui trahit la direction du tir. La trajectoire monte vers le ciel.

Sans doute, quand Jim, suspendu au câble d’acier, a dépassé la crête du Cenote, sa silhouette s’est profilée sur le ciel, sur cette clarté diffuse que distillent les étoiles.

La fusillade crépite, incessante. Soudain un cri déchirant hulule dans les ténèbres. Les prisonniers ont l’impression qu’un corps, un bolide noir tombe et s’engouffre avec un monstrueux éclaboussement dans la rivière qui coule au bas de l’escarpement.