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L’AÉROPLANE-FANTÔME

constructions de l’usine contenant les diverses pièces de l’appareil mystérieux dont il a conçu la création.

C’est là qu’il jouera son bonheur, sa vie peut-être.

Mais l’heure, quelles que soient les pensées des hommes, continue imperturbablement sa course circulaire au cadran des horloges, sur ces disques chronodromes où, sans cesse, les fractions du temps meurent, pour renaître plus tard à un nouveau passage des aiguilles trotteuses.

Loisin et Tiral entraînent l’ingénieur. On lui met en poche le bulletin des bagages que le mécanicien a fait enregistrer. On le conduit sur le quai de départ, on l’installe dans un compartiment.

Et tandis que ses amis lui prodiguent les dernières recommandations, il a une surprise.

Une femme, emmitouflée dans un manteau de voyage, la figure cachée par une épaisse voilette, s’est montrée sur le quai, et elle a disparu dans l’un des compartiments voisins. Une idée traverse le cerveau du jeune homme.

— On dirait l’interprète de la pension Villeneuve, cette Liesel Muller, si bizarre d’aspect et de caractère.

Mais il hausse les épaules. Quelle apparence que cette fille, qui gagne péniblement sa modeste existence, voyage en première classe, par un train rapide.

Au surplus, l’impression s’efface aussitôt. Que lui importe cette employée, à laquelle il n’a pas adressé dix fois la parole, bien qu’il la rencontrât à peu près chaque jour à la pension de famille Villeneuve, où il avait élu domicile.

— En voiture, les voyageurs, en voiture !

Un employé court le long du train, lançant le cri avertisseur du départ tout proche. Les portières claquent, fermées vivement. Loisin et Tiral, qui s’étaient hissés sur le marchepied, sautent sur le quai.

Il était temps. Un coup de sifflet strident résonne, amplifié par les résonnances du hall de la gare. Le train démarre lentement.

— Adieu. Bonne chance.

Les trois mots s’échangent avec une pointe d’émotion. Chaque tour de roue augmente la distance entre ceux qui viennent de se séparer.

Un instant encore, François aperçoit les deux silhouettes immobiles sur le quai. Il comprend que ses amis regardent ce train qui s’éloigne, qui l’emporte vers le triomphe ou le désespoir.

Et puis les formes s’atténuent, se fondent. Une courbe de la voie et elles sont masquées.