Dans un mois, je te jetterai ton père à torturer comme je te l’ai promis.
— Oh ! merci, fit-elle avec une reconnaissance passionnée.
— Je t’enverrai mes ordres, tu t’y conformeras. Et chacun de nous aura ce qu’il désire ! Toi, tu vengeras ta mère Iseult ; et moi, je donnerai à l’Allemagne l’arme que l’Ingénieur se targue de forger pour la France.
— Vous avez la certitude de réussir alors ? murmura la créole avec intérêt.
— Oui, petite, oui. Ce brave François prendra en haine le monde entier, sauf l’Allemagne, qui lui sera maternelle et douce.
— Comment cela ?
— Tu le verras, petite, si cela t’intéresse de regarder. Tu le verras et tu comprendras qu’au « Service » on est psychologue, ainsi que disent les romanciers français.
Comme il ponctuait d’un ricanement cette phrase énigmatique et menaçante, l’automobile stoppa brusquement.
— Sommes-nous arrivés ? fit Margarèthe d’un ton abaissé.
À la question, tous regardèrent à travers les vitres. À peu de distance, le viaduc du chemin de fer de Ceinture et la gare d’Auteuil apparaissaient.
— Liesel, tu vas nous quitter. Tu es à cinq cents mètres à peine de la maison Villeneuve.
— Bien, herr Von Karch.
— Un mois de patience, petite, et tu recevras la récompense de l’obéissance que tu as montrée.
La créole étreignit nerveusement la main de l’Allemand. Elle adressa un salut gracieux à Margarèthe, puis se glissa légèrement au dehors.
Alors Von Karch frappa d’un doigt prudent au carreau.
Le mécanicien remit aussitôt le véhicule en marche, reprenant le chemin du centre de Paris.