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L’AÉROPLANE-FANTÔME

— Sur les cuirassés du plancher des vaches ; c’est là une flotte étonnante où l’on ne compte jamais de naufrages.

Sans doute l’amour-propre du pseudo-métis souffrait cruellement de ces railleries, car le petit Mexicain se cacha le visage de ses mains. Les rires redoublèrent.

Aucun des railleurs ne remarqua qu’entre ses doigts légèrement écartés Manuelito fixait un regard aigu sur l’arrière où prenaient place les prisonniers, Jim, Péterpaul et lord Gédéon sur le banc ; Margarèthe et Édith sur la tablette de poupe ; la jeune Allemande chargée de la manœuvre du gouvernail.

Von Karch s’embarque à son tour. Les coquins qu’il emmène avec lui, se sont mis aux avirons, attendant qu’il lui plaise de donner l’ordre du départ.

Il regarde dans la direction du port. C’est de là-bas que doit partir le signal.

Soudain, un éclair rougeâtre s’élance d’une toiture. C’est la première flamme d’incendie qui rutile dans la nuit. Puis, presque aussitôt, des lueurs sanglantes apparaissent le long du port. Les bandits ont bien exécuté les ordres de leur chef. Le feu éclate en dix endroits à la fois, encerclant le bassin d’une bordure embrasée.

— Nage, commande l’Allemand d’une voix triomphante.

Il se félicite de son idée. Qui donc s’occupera de son navire, alors que s’embrasent les magasins de Progreso. Constructions en bois, marchandises de toutes sortes, quels éléments pour le feu !

Déjà la coque du Fraulein s’estompe dans la nuit. Les prisonniers, ignorant la cause du sinistre, considèrent le feu lointain qui se propage avec une inconcevable rapidité. À cet instant, Margarèthe chuchote, les lèvres tout près de l’oreille de Miss Édith :

— La curiosité, vous voulez voir, tout naturel de vous mettre debout : Vous vous appuierez sur moi.

Et comme tirée d’un rêve, la jeune fille tressaille. Elle se dresse sur la tablette, et là, la main appuyée à l’épaule de sa compagne, elle fixe sur l’incendie des regards étranges ; on la croirait hypnotisée par les flammes de pourpre et d’or déferlant dans la nuit ainsi que des vagues ardentes. Son mouvement n’a surpris personne. Les rameurs eux-mêmes tournent la tête vers le spectacle terrifiant.

Seule, Margarèthe parait absorbée par la conduite du gouvernail. Grâce à son attention, l’embarcation franchit sans encombre une passe étroite trouant