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L’AÉROPLANE-FANTÔME

— Qu’à la posada del Cenote Blanco, on ne confiera peut-être pas le cheval au camarade que j’y ai envoyé. J’aurais dû le conduire moi-même.

Puis, comme prenant une décision :

— Il n’y a pas à hésiter. Le « Chef » a recommandé la plus grande diligence. Retournons-y.

Déjà il faisait volte-face. S’il entraînait Brumsen à la posada, située sur la campagne, à la limite de la ville, il se chargerait bien de le faire parler. Mais celui-ci le retint par le bras.

— Attendez donc. Une dépêche de Herr Von Karch m’attend à l’hôtel du Liberador, n’est-ce pas ?

Le gamin l’ayant déclaré une minute plus tôt, ne pouvait évidemment affirmer le contraire.

— Eh bien ! Voyez l’hôtel là-bas. Deux minutes pour y arriver, pour prendre la communication dans mon « casier » au bureau de l’établissement, et nous revenons ensemble. Il n’y a pas de retard appréciable.

Brumsen disait vrai. Les promeneurs ne se trouveraient pas retardés par une pointe sur l’hôtel. Seulement là, le fidèle de Von Karch s’apercevrait qu’il avait été victime d’une supercherie, en réclamant vainement une dépêche créée de toutes pièces par l’imagination du jeune Tril.

Et celui-ci devrait déguerpir, assez vite pour que l’agent ne le happât point de sa large main.

— Allons, murmura-t-il, et dépêchons-nous.

À part lui, il renonçait à pénétrer les secrets de Brumsen ; il profiterait tout simplement de la minute où celui-ci fouillerait son casier vide pour filer à toutes jambes.

Un soupir trahit le déplaisir que lui causait la combinaison. Mais ce léger indice ne fut point perçu par le robuste Brumsen, qui allongeant le pas, dans le but louable d’être agréable à son petit compagnon, et Tril fut presque obligé de trotter pour se maintenir à sa hauteur, ce qui l’incita à formuler pour lui-même cette réflexion inquiétante :

— Par le pied fourchu de Satan, il ouvre un compas comme un professionnel de la course à pied.

Aussi en arrivant en face de la fonda, l’esprit du gamin était assiégé de pensées plutôt moroses. Entraîné par le succès magistral de son intervention, le petit, sévère mais juste vis-à-vis de lui-même, se déclarait tout net qu’il s’était engagé dans une affaire épineuse.

À ce moment, la voix de l’aventurier le tira de son mélancolique monologue.