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L’AÉROPLANE-FANTÔME

Maintenant plus personne ne songeait à s’irriter. Les Fairtime comprenaient que la fatalité les étreignait. On ne résiste pas à ce qui est fatal. Édith elle-même, sortant de son accablement, s’était redressée sur son siège ; ses yeux bleus interrogeaient avidement le visage impassible de l’espion.

Un instant, Von Karch tint ses captifs sous son regard. Un éclair de triomphe éclaira ses traits. Il avait le sentiment orgueilleux de les avoir à sa discrétion. Mais l’éclair s’éteignit, la figure reprit son apparence énigmatique, et lentement :

— François de l’Étoile, de par un hasard funeste, a été enlevé à votre affection. L’appareil merveilleux dont il était l’inventeur, je puis le déclarer hautement entre nous, n’a plus de maître.

Il marqua une pause comme pour donner à son affirmation le temps de pénétrer dans l’esprit de ses auditeurs, puis il continua :

— Plus de maître, dis-je, cela n’est pas tout à fait exact. L’inventeur, pour réaliser son rêve, avait eu besoin de concours financiers et industriels, qui, si je ne m’abuse pas, lui furent généreusement accordés par vous, milord Gédéon Fairtime. Ne répondez pas ; inutile. Pareil appui est si naturel de beau-père à gendre.

Il eut un petit salut à la ronde avant de poursuivre :

— Mais précisément cette… association, le mot rend bien ma pensée, vous crée des droits indiscutables sur l’engin. Légalement et justement, vous êtes l’héritier du disparu, lequel d’ailleurs n’a ni parents, ni ascendants, ni descendants, susceptibles d’émettre des prétentions légitimes sur son héritage ; me fais-je bien comprendre ?

Lord Gédéon répondit par un signe de tête.

— Bien. Votre honorabilité connue, votre « respectabilité » anglaise, ne formulent aucune objection contre ma thèse juridique ?

— Aucune, murmura le lord.

— Donc, vous vous considérez comme héritier sans conteste de l’aviateur génial ?

— Où voulez-vous en venir ?

— Je ne suis ici que pour vous le dire. Seulement, je vous prierai tout d’abord de ne pas laisser sans réponse ma dernière question.

— Soit. Je me considère comme héritier.

— Parfait. Voyez-vous, Milord, on ne regrette jamais d’allumer sa lanterne. L’appareil vous appartient, ceci est acquis, vous êtes donc apte à en disposer comme il vous conviendra.

— Et vous espérez que nous livrerons ce que naguère vous n’avez réussi