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L’AÉROPLANE-FANTÔME

— Je vous demande pardon de m’installer. Nous avons à causer un peu longuement et, quand je suis debout, mes idées se brouillent.

On le considéra avec stupeur. Margarèthe, toujours agenouillée, s’écria suppliante et indignée :

— Mon père, remettez à plus tard cette entrevue. Vous devez comprendre que personne n’est en état de vous entendre.

Ceci ne le désarçonna pas le moins du monde. Il hocha la tête et murmura :

— Parfaitement ! L’esprit du siècle ! Les enfants prétendent diriger leurs ascendants.

Puis changeant de ton, des sonorités métalliques vibrant dans sa voix autoritaire :

— Ne vous émotionnez pas, ingrate Marga. Vous me connaissez depuis assez longtemps pour ne pas douter que je choisisse un moment opportun, et pour être certaine que mes auditeurs m’entendront à l’heure où j’ai décidé qu’ils m’entendraient.

Péterpaul, Jim, esquissèrent un mouvement d’attaque, Von Karch leva la main vers eux. La main tenait un revolver.

— Du calme, jeunes gens, railla-t-il. Un vieux renard comme moi ne se met jamais dans la gueule du loup. Et pour que notre entretien soit courtois de forme, je vous avertis de suite charitablement que la moindre tentative d’agression se résoudra par des morts. Je tire fort bien, vous savez. Puis, cela vous donnera patience, ma première balle serait pour Miss Édith, cette charmante enfant qui mérite si bien votre affection.

Tous courbèrent la tête, un malaise les étreignant. Ce n’était pas seulement la menace qui les accablait. Plus encore peut-être ils sentaient leur être troublé par cette chose monstrueuse, l’espion parlant d’affection. Von Karch vit dans l’abattement de ses interlocuteurs un état propice à ses desseins. Aussi, sans plus longue préparation, il entra en matière :

— Messieurs, fit-il, tout à l’heure, j’ai appris à la délicieuse Miss Édith la fin… pénible de François de l’Étoile.

Un gémissement étouffé de la jeune fille ponctua la phrase.

— J’ai été un peu brutal, s’empressa d’ajouter le coquin. Un vieux cœur racorni comme le mien n’a plus la notion exacte des ménagements que demande le tendre cœur des jeunes filles. Je regrette beaucoup. Mais une chose faite est une chose faite, et je me suis dit : Puisque nous sommes engagés dans une conversation fâcheuse, liquidons l’incident une fois pour toutes. Une blessure franche vaut mieux qu’une succession de coups d’épingle.