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LE LIT DE DIAMANTS.

Suzan ne bougeait pas. Elle considérait le télégramme fermé. La suscription dansait devant ses yeux :

« Danerik, pour Vaniski ».

Qui donc pouvait écrire ainsi ? Et son cœur lui répondait obstinément :

— Tril, c’est Tril.

Seulement Danerik et Vaniski avaient quitté la ferme. Oh ! ils reviendraient sous peu. Mais alors que l’anxiété est éveillée, tout délai paraît trop long.

Qu’écrivait-on ? Que renfermait ce papier fragile que Suzan eût déchiré sans le moindre effort ? Elle n’eut pas l’idée de l’ouvrir. On lui avait appris l’inviolabilité de la correspondance. Elle avait compris que la personne violant le secret d’une lettre, commet une action basse, méprisable, qui la déconsidère elle-même.

Mais elle passa une demi-heure à piétiner d’impatience.

Enfin, Danerik et Vaniski parurent ; l’enfant eut un cri de joie débordante. Elle courut à eux, leur tendant la missive, bégayant dans sa hâte de s’expliquer :

— Danerik, pour Vaniski.

Le fermier surpris, — les télégrammes sont rares dans la campagne danoise comme dans les fermes françaises, — prit le papier, lut l’adresse, puis le passa au Polonais. Suzan frissonnait d’angoisse.

— Lisez, lisez, balbutia-t-elle.

— Et Vaniski, se conformant à son désir, lut les phrases laconiques expédiées la veille au soir par Tril du bureau central de Hambourg.

Tril vivait, Tril avait continué le bon combat tandis que ses amis entrainaient vers Weeneborg François de l’Étoile cruellement blessé.

Durant quelques secondes, la fillette se raidit, toute pâle, les regards troubles, contre l’émotion douloureuse qui bouleversait son être. Ses interlocuteurs semblaient indécis. Ils relisaient la dépêche, cherchant évidemment le sens de l’appel du jeune garçon. Leur attitude rappela Suzan à elle-même.

— Cela veut dire que Von Karch fuit, s’écria-t-elle, qu’il est à bord d’un navire blanc du nom de Fraulein, qu’il faut nous hâter de le rejoindre, sinon nous perdrons sa trace.

Attiré par sa mimique expressive, par le diapason de sa voix, le mécanicien Klausse s’était approché. Elle le prit à parti.

— Klausse, dit-elle, vous savez diriger l’aéroplane ?

— Je le pense, Mademoiselle, M. François avait toute confiance en moi.