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L’AÉROPLANE-FANTÔME

Mais les Allemands ne l’entendaient pas ainsi. Ils se mirent à la poursuite du fugitif, faisant sonner leurs lourdes bottes sur le pavé.

Le pauvre Tril n’était pas dans un de ses jours heureux. Sa mauvaise étoile lui fit emboucher le pont jeté sur la passe qui relie le bassin Binnen au Blockhaus-Hafen.

Au bout du pont, un douanier, qui causait avec des déchargeurs du port, voulut l’arrêter, dans la pensée simpliste qu’un individu pourchassé par d’autres ne saurait être qu’un voleur.

Le gamin lui passa la jambe et l’envoya mesurer la terre ; seulement il fut obligé de se jeter sur la droite, et se trouva ainsi lancé sur le môle de Kerwieter-Sutter, lequel se termine par un mur dominant à pic le cours de l’Elbe.

Quand il voulut revenir sur ses pas, il était trop tard ; ses ennemis, renforcés du douanier furieux, des déchargeurs, de marins attirés par le bruit, lui fermaient toute issue.

Il songea à se jeter dans les eaux noires de l’Elbe, mais déjà des barques s’approchaient à force de rames cernant le Kerwieter.

Peut-être allait-il se résigner à se rendre. Après tout, la plaisanterie faite à Niklobbe méritait une simple taloche ; mais l’un des poursuivants, jugeant tout argument licite à l’égard d’un homme qui se sauve, ramassa un boulon de fonte traînant sur le quai et le lança contre le gamin.

Atteint à l’épaule, sous le coup de la douleur violente, le petit cria une injure.

Un matelot, ivre sans doute, riposta par un coup de revolver, dont la balle siffla aux oreilles de l’Américain.

Cette fois, celui-ci céda à la colère. À son tour, il mit le revolver au poing ; le coup partit, et l’un des assaillants roula sur le sol, au milieu d’un tonnerre d’imprécations.

— À mort ! à mort, l’assassin !

Pour la foule grossissante Tril, qui s’était borné à se défendre, devenait un assassin. Il comprit le danger de sa position. Cette troupe hurlante l’assommerait s’il tombait entre ses mains. Et le fleuve d’un côté, les assaillants de l’autre, lui fermaient tout chemin de retraite.

Vingt pas le séparaient de ses ennemis. Ils seraient sur lui en quelques secondes si rien n’arrêtait leur marche.

Alors, le jeune garçon retrouva le sang-froid atavique de la race saxonne à laquelle il appartenait ; il s’adossa au fût du réverbère planté presque à l’extrémité du môle, et, faisant face aux agresseurs, son arme braquée sur eux, il clama, un défi suprême dans la voix, dans le geste :