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L’AÉROPLANE-FANTÔME

— Herr, la demoiselle est déjà dans l’automobile. Je n’attends que votre volonté pour partir.

— Alors, mettons-nous en route de suite. À Châlons d’abord, au télégraphe. Ensuite, nous dînerons. Nous devons être à Paris, gare de Lyon, à une heure du matin.

— On y sera.

Cinq minutes plus tard, l’automobile de l’Allemand quittait l’hôtel du Camp et, gagnant la route de Châlons, roulait à grande vitesse vers la coquette cité.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Une heure du matin sonne à l’horloge de la tour levantine, qui semble stupéfaite de faire partie de la façade de la gare de Lyon.

Une automobile, couverte de poussière, gravit la rampe du « départ » et vient stopper au long du trottoir bordant la salle de distribution des tickets.

Aussitôt une femme s’approche. Elle est crûment éclairée par les lampes qui répandent dans la cour de la gare une clarté éblouissante.

Simplement vêtue, elle apparaît svelte, serpentine pourrait-on dire, tant sa taille souple ondule alors qu’elle marche, mais ce qui retient l’attention, c’est son visage.

Étrange, attirante et inquiétante, est cette figure au ton doré, qu’éclairent deux grands yeux de velours sombre. Les lèvres sont un peu épaisses, mais empourprées, le nez fin, aux narines frissonnantes, palpite ainsi que chez les félins, et les cheveux noirs aux reflets bleutés, foisonnent sous la toque fleurie qui les couvre.

Cependant, elle s’est avancée vers l’automobile.

— Me voici, exacte comme toujours, murmure-t-elle d’une voix harmonieuse, mais où vibrent des inflexions métalliques.

— J’étais sûr de cela, riposte un organe paterne. Nous avons à causer. Monte, ma fille, je te reconduirai près de chez toi.

— Chez moi ? répète la jeune femme. Appelez-vous chez moi cette pension de famille, où je remplis les fonctions d’interprète.

— Bon, bon ! Ne te fâche pas. L’heure de la libération est proche.

— Proche ?

Ce mot sonne entre ses dents. Il exprime l’espoir, l’anxiété, la joie triomphante, la crainte imprécise.

— Proche ? redît-elle en accentuant ces deux syllabes.

— Oui, ma petite, oui, mais monte. Je t’expliquerai en route, et tu verras que herr Von Karch tient toujours ce qu’il promet.